En février 2013, Serge Charnay, un père de famille divorcé, s'isolait au sommet d'une grue à Nantes pour réclamer le rétablissement du droit de visite à son fils, lançant par la même occasion le « Printemps des pères ». Près d'un an après cette action coup de poing, un groupe de travail chapeauté par les ministères de la Justice et de la Famille a rédigé un rapport sur la coparentalité. Le document, dont les premières conclusions ont été publiées mercredi dans les colonnes du journal La Croix, vise à garantir que les parents, même séparés, soient en mesure d'exercer leurs droits et de maintenir des liens réels avec leurs enfants.
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Le gouvernement souhaite ainsi mettre les parents sur un pied d'égalité en instaurant une « autorité parentale conjointe » après la séparation, le cas échéant. Et pour cause, comme le constate le rapport, il est courant que « le parent qui vit avec l'enfant prenne des décisions seul et en avise a posteriori l'autre parent qui est ainsi mis devant le fait accompli ». Résultat, si ce dernier « souhaite contester cette décision, il doit alors saisir le juge. Une telle situation est source de tensions et d'une multiplication des procédures. » Les recommandations des auteurs du rapport obligeraient donc les pères et mères à prendre ensemble les décisions « importantes » et susceptibles d'affecter l'avenir de leurs enfants. Est ainsi qualifié d'« important » tout acte « qui rompt avec le passé et engage l'avenir de l'enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux ».
Une bonne idée ? Pas si sûr. En effet, parmi les décisions répondant à cette définition celles concernant la scolarité, la santé, la vie quotidienne mais aussi le déménagement. « Aujourd'hui, lorsque la mère, chez qui réside l'enfant, décide de partir à 500 km par exemple, cela a un impact évident sur les droits de visite et d'hébergement du père », signale Stéphane Ditchev, secrétaire général de Fédération des mouvements de la condition paternelle (FMCP). Et d'ajouter que même en saisissant un juge, « les délais sont tels que le retour en arrière n'est plus possible ». Certes, mais pour certaines associations et membres du groupe du travail, conditionner un déménagement à l'accord de l'autre parent est une atteinte aux libertés. En outre, une telle contrainte pourrait cristalliser les tensions au sein de couples déjà en difficulté.
À noter que le rapport - qui devrait être pris en compte dans la rédaction du projet de loi sur la famille censé voir le jour en mars prochain -, préconise également un meilleur suivi de l'exécution des décisions judiciaires, les atteintes à l'exercice de l'autorité parentale n'étant pour l'heure pas systématiquement sanctionnées. Il suggère par ailleurs de créer un « service d'accompagnement des décisions et de restauration des liens » avec des psychologues, assistantes sociales ou des médiateurs, ainsi que la mise en place de « stages de coparentalité » préventifs ou destinés aux « parents en infraction ».