Les rapporteuses du texte présenté ce 28 septembre ne sont pas du même bord politique et pourtant, elles se sont entendues sur 23 propositions qui, elles l'espèrent, pourraient faire évoluer l'industrie du porno pour mieux protéger celles et ceux qui y travaillent. Les sénatrices Laurence Rossignol (PS), Annick Billon (Union des démocrates et indépendants, Vendée), Alexandra Borchio-Fontimp (Les Républicains, Alpes-Maritimes) et Laurence Cohen (Parti communiste, Val-de-Marne), ont ainsi collaboré sur ce tout premier rapport parlementaire sur le sujet. Le nom de ce rapport accablant ? "Porno, l'enfer du décor".
"Ce qu'on veut dire", explique la sénatrice Laurence Rossignol dans les colonnes du Monde, "c'est que l'industrie du porno est toxique dans son mode de fabrication et de consommation. Elle colonise les cerveaux." Et d'ajouter : "On doit prendre conscience que c'est un problème de politique publique, il faut arrêter de détourner les yeux". Un problème particulièrement mis en lumière ces derniers mois, notamment avec les chefs d'accusation de "viols en réunion, traite aggravée d'êtres humains et proxénétisme aggravé" visant la plateforme de films X Jacquie et Michel.
A ce titre, Laurence Rossignol l'affirme, s'il s'agit de la première fois qu'elle travaille "sur un sujet sur lequel il n'existe aucune bibliographie institutionnelle, aucun rapport, rien", ce n'est pas sans lien avec le fait que "la résistance masculine à faire de ces sujets des sujets politiques est très grande". Résistance qu'elle entend, avec les autres rapporteuses, ébranler.
D'abord, une question : pourquoi encadrer plutôt qu'interdire "toute représentation non simulée d'actes sexuels à l'écran" ? "Nous n'avons pas choisi cette voie abolitionniste car ce marché est tellement opaque et en constante évolution qu'il est impossible de l'interdire", détaille auprès de Franceinfo Annick Billon. "Mais on ose demander aux gens d'ouvrir les yeux. Je suis persuadée que ce rapport est une bombe."
En effet, plusieurs grands champs d'action sont évoqués : la mise sur la place publique des violences pornographiques et de leurs conséquences, le renforcement de l'arsenal judiciaire pour venir en aide aux actrices en "favorisant l'émergence de plaintes des victimes", la facilitation de la suppression des vidéos en ligne pour un véritable "droit à l'oubli", l'application de la loi pour interdire l'accès des mineur·es au porno (deux tiers des enfants de moins de 15 ans y auraient déjà eu accès) en exhortant le gouvernement d'imposer le "développement de dispositifs de vérification d'âge" et de "mener une campagne de communication autour des dispositifs de contrôle parental". Ou encore, insister sur la prévention en donnant davantage de moyens à l'Education nationale pour délivrer une éducation à la vie sexuelle et affective qui aborderait la "marchandisation des corps" retrouvée dans l'industrie.
"Nous n'avancerons jamais dans la lutte contre les violences intrafamiliales et les féminicides si on n'inverse pas la tendance en matière de pornographie", martèle enfin Annick Billon. Assurément.