Le sexe d'un supérieur hiérarchique influe-t-il sur la rémunération de ses collaborateurs ? La réponse est affirmative, si l'on en croit une étude parue jeudi dans le dernier numéro d'Économie et Statistiques, la revue de l'Insee. Et selon l'institut, ce lien avéré entre le niveau de salaire des employés et le sexe de leurs supérieurs serait aussi positif que négatif.
Positif car il semblerait que dans les équipes dirigées par des femmes, l'écart de rémunération entre hommes et femmes soit réduit de 30 à 85%. En cause, la bienveillance féminine et la volonté de ces chefs de promouvoir l'égalité salariale, mais pas seulement. L'étude démontre en effet que même en ayant des collaborateurs sous leur autorité, les femmes sont toujours confrontées à un plafond de verre qui les cantonne bien trop souvent à des niveaux hiérarchiques peu élevés, dans des secteurs d'activités peu qualifiés qui plus est. Problème, ainsi que le signale l'étude : « La discrimination n'est pas un phénomène individuel au sens où les effets s'arrêteraient à l'individu qui la subit. Elle a toutes les chances d'exercer aussi ses effets sur les personnes qui dépendent de l'individu discriminé. »
Un état de fait qui se vérifie notamment quand vient le moment pour les managers de négocier les rémunérations de leurs équipes. « Le supérieur doit plaider auprès de sa hiérarchie en faveur des augmentations ou des primes de ses subordonnés », explique Olivier Godechot, principal auteur de l'étude et professeur à Sciences-Po. Et d'analyser : « Dans ce processus de compétition, les femmes peuvent obtenir moins pour leurs équipes, soit que leurs demandes sont plus modestes, soit qu'elles sont moins satisfaites par leur hiérarchie ». À l'opposé les hommes, bénéficiant d'un « un appariement subordonné-supérieur de même sexe », parviennent à de meilleurs résultats. Finalement, « les salariés qui ont un supérieur femme touchent en moyenne 2,5 à 3% de moins que ceux qui ont un supérieur homme », précise l'étude.
Cette situation, les femmes en ont conscience. Pour preuve, seules 35 à 42% d'entre elles estiment « avoir de l'influence sur les augmentations de salaires, les primes ou la promotion des salariés qu'elles encadrent ». Les hommes, eux, sont 55% dans ce cas. Face à cette inégalité, Olivier Godechot appelle les entreprises à accélérer la féminisation de leur hiérarchie, précisant toutefois qu'« elle ne doit pas simplement être un phénomène quantitatif, voire un phénomène d'affichage mais aller de pair avec l'attribution aux femmes d'un pouvoir réel similaire à celui des hommes ».