Très médiatisé, le procès dit des tournantes avait suscité une vive émotion à l’énoncé des faits qui étaient reprochés aux 14 accusés de viols collectifs.
Le parcours de Nina, contrainte à des relations sexuelles dans des caves, des appartements, avec des dizaines d’hommes chaque jour pendant plusieurs années, avait été rapporté dans de nombreux médias. Sa photo, treize ans après les faits, lestée de 70 kilos de souffrance, avait illustré les centaines d’articles relatant l’horreur d’un destin fauché un soir en rentrant du cinéma, un destin alors embarqué dans la spirale de l’horreur. « Ils étaient au moins vingt-cinq. Certains me tenaient, d’autres rigolaient ». Cette phrase résonne aujourd’hui encore dans nos têtes. « Elle aimait le sexe », avaient déclaré certains participants…
Un procès qui devait être exemplaire
Heureusement, les « tournantes » allaient enfin avoir leur procès exemplaire, celui qui imprimerait dans les têtes que les rapports non consentis sont un viol, et que le viol est un crime passible de vingt ans de prison. L'espoir était tel que Stéphanie, une autre victime, avait elle aussi accepté de témoigner de son calvaire, le même que Nina malgré la peur des représailles.
Les premiers jours du procès, les deux jeunes filles avaient difficilement supporté d’être confrontées aux accusés. Surtout Nina, qui avait même tenté de se suicider. Sa famille et ses avocates, pourtant, l’avaient poussée à poursuivre. Il le fallait. Pour elle, et pour les autres femmes victimes des mêmes horreurs. Alors Nina avait pris sur elle, et avait toléré ces trois semaines de grand déballage, pour elle et pour les autres femmes. Cela faisait si longtemps qu’elle attendait. L’instruction pour que justice soit enfin faite avait duré sept ans. C’est long, sept ans. Trop long ?
Stéphanie regrette d'avoir porté plainte
Après trois semaines de débats à huis clos, le verdict est tombé cette nuit. Quatre des accusés sont condamnés à des peines allant de trois ans avec sursis à un an de prison ferme… Un seul sera incarcéré. Les autres ont déjà purgé leur peine, ils peuvent rentrer chez eux. Les dix autres garçons sont acquittés, et « soulagés », comme l’avouait l’un d’entre eux, arguant que Nina s’était « contredite tellement de fois ». Stéphanie, elle, avoue que le verdict l’a « enterrée ». En effet, aucun des hommes qu’elle accusait de viol n’a été déclaré coupable. Elle « regrette d’avoir porté plainte ».
10% des victimes de viol portent plainte ; 2% des violeurs sont condamnés. Ce verdict est la victoire de ceux qui, après s’être dénoncés les uns les autres dans cette sordide affaire de viols collectifs, ont fini par nier sans relâche tout au long de leur procès, déclarant que Nina et Stéphanie étaient « les plus grosses putes de Fontenay », qu’elles « aimaient ça », que les relations étaient « consenties », les fellations « proposées ». Peut-on proposer une fellation dans une cave sordide alors qu’on a été torturée par les assauts de dizaines d’inconnus qui faisaient la queue sans relâche ?
Ce procès fut un « fiasco », oui.
Le parquet de Créteil dispose de dix jours pour faire appel du verdict.
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