Bethléem, Ramallah, Jénine, Naplouse, Jérusalem... En Cisjordanie, chaque ville possède désormais un ou plusieurs centres dédiés à la pratique du yoga. Inconnue dans le territoire il y a encore quelques années, l'activité s'est développée à vitesse grand V dans une région où occupation israélienne et situation politique laissent pourtant peu de place aux loisirs.
"Nous avons réalisé que les femmes n'avaient pas beaucoup d'espace pour respirer", se souvient Maha Al-Shawreb, co-fondatrice du studio Farashe ("papillon" en arabe), fondé en novembre 2010 à Ramallah, et qui propose des cours à 5 dollars. Dans une interview à TV5monde, la professeure de yoga résume la démarche qui a conduit à la création de ce lieu, installé dans un appartement au coeur du centre ville : "Elles doivent faire face à énormément de difficultés, liées à la situation politique et à l'occupation israélienne mais aussi à leur vie familiale. Nous avons voulu répondre à ce besoin".
Maha Al-Shawreb n'est d'ailleurs pas la seule à avoir fait ce constat. A Naplouse, au nord de Jérusalem, Mirna Ali est l'une des premières à s'être intéressée au yoga et aux bienfaits de sa pratique. "Des études menées à San Francisco ont montré que le yoga permet de diminuer le niveau de violence chez les enfants et d'améliorer leur capacité de mémorisation", souligne à TV5Monde celle qui compte désormais parmi les trois professeures certifiées de la ville.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'avant de se démocratiser en Cisjordanie, le yoga était déjà bien à la mode chez les Israëliens. Comme le rappelle le site Forward.com, sa pratique a en effet servi, à de nombreuses reprises, à améliorer le moral et la productivité des écoliers touchés par la guerre. Tel Aviv compte ainsi des dizaines de studios proposant des variantes plus ou moins sophistiquées de l'activité.
Femmes et enfants ne sont pas les seuls à profiter du développement de la pratique en Cisjordanie. Les stages de formation, proposés à des Palestiniennes désireuses de faire découvrir l'activité dans leur ville d'origine, et les cours bénéficient aussi aux personnes âgées, aux malades du cancer et même à des réfugiés.
Au programme de ces classes : exercices de respiration, de concentration, mouvements de base, relaxation... Plus qu'une nouveauté dans la culture locale, le yoga devient, aux yeux des Cisjordaniens, un véritable moyen pour mieux vivre le quotidien parfois difficile d'une zone en proie aux conflits et à la violence depuis de nombreuses années. "Les Palestiniens pourraient nous apprendre beaucoup quant à la façon de gérer le stress", reconnaît Maha Al-Shawreb. "Ils font preuve d'une capacité de résilience. Mais dans un contexte où il y a tant de restrictions de mouvements et d'espace, le yoga peut être un outil supplémentaire pour respirer".
A Gaza aussi, le yoga est reconnu pour ses bienfaits. Alors que les habitants de la ville ont de plus en plus recours à la chirurgie esthétique pour améliorer leur qualité de vie, le Croissant Rouge propose des séances de yoga aux victimes du conflit de l'été 2014, afin de soigner les éventuels états de stress post-traumatiques. Un contexte géopolitique qui a conduit l'organisation américaine Anahata International, basée à Washington, à conclure en 2013 un partenariat avec le studio Farashe pour proposer des séances de professionnalisation à 20 femmes de Ramallah. A Bethléem et Hébron, des femmes tentent également de créer leur propre studio, alternant entre classes unisexes, classes mixtes et cours pour enfants.
Des bienfaits qui ne sont pas du goût de tout le monde. Dans une région très fortement marquée par l'importance de la religion, l'apparition d'une telle pratique passe mal compte tenu des préjugés attachés au yoga. "Quand on en parle, beaucoup pensent au bouddha et donc à une religion", explique Mirna Ali à TV5monde. "J'explique que ce n'est pas contraire à l'islam. Je suis musulmane et voilée. Mais certains ne sont pas convaincus".
Même chose du côté de certaines femmes qui, poids de la culture oblige, ne conçoivent pas encore de devoir prendre soin d'elles en s'aménageant du temps pour des activités personnelles. "Ne pas avoir le temps de méditer, c'est n'avoir pas le temps de regarder son chemin", dit le proverbe. Le chemin du yoga s'annonce, lui, encore long.