Le changement climatique est violent pour tout le monde, mais c'est encore pire pour les femmes. C'est que nous affirme cet édifiant article du site tech Wired. Au centre de cette réflexion alarmante ? Une récente étude publiée dans le magazine scientifique Nature Climate Change. Une ou plutôt 25 (!) mises en conflit pour ne former qu'un seul texte analytique, rédigé par plusieurs chercheurs. Des scientifiques qui nous alertent sans détour : dans des pays comme l'Afrique et l'Asie, le changement climatique exacerbe les inégalités entre les sexes. Pour des raisons très concrètes. Car comme le rappelle le HuffPost, "les femmes représentent 70% des personnes pauvres dans le monde et produisent plus de la moitié des denrées alimentaires cultivées."
Un exemple parmi tant d'autres ? En Afrique de l'Est, hommes et femmes avaient pour habitude de s'approvisionner en eau pour leur bétail, en marchant des dizaines de kilomètres. Mais le changement climatique a considérablement asséché les terres. A cause de ces sécheresses, ce n'est plus des dizaines, mais une grosse centaine de kilomètres que les hommes doivent parcourir. Résultat, les femmes, elles, restent à la maison, ne pouvant s'absenter du foyer aussi longtemps. Ce qui réduit considérablement leur capacité d'agir.
Les conséquences des bouleversements climatiques ne sont donc pas simplement naturelles (moussons plus fortes, inondations, feux de forêts, mauvaises récoltes), elles relèvent aussi de la question du genre.
On s'en doutait déjà, mais l'état désastreux de la planète n'allège en rien la charge mentale des femmes. Et pas simplement parce que celles-ci peuvent développer de l'éco-anxiété - cette angoisse personnelle relative à l'état climatique global. Les sécheresses ou les inondations sont autant de menaces sur les activités agricoles dont les femmes ont majoritairement la charge car, comme le souligne l'ONU, elles produisent dans certains pays jusqu'à 80 % de l'alimentation.
En Inde par exemple, détaille Wired, pendant que les hommes partent chercher du travail dans des usines ou des chantiers loin, très loin, les femmes doivent redoubler d'efforts afin de protéger les plantations et garantir leur culture quotidienne au sein de champs trop secs ou trop humides. Tout en s'occupant des enfants, des tâches ménagères... Et ce dans une société, qui rappelons-le, reste l'un des pays les plus dangereux pour les femmes.
Quand la planète a mal, les femmes aussi. C'est leur indépendance qui souffre - entre autres choses. Cette étude le démontre allègrement. Elle nous explique ainsi que les épouses intégrées à des "ménages polygames" s'adaptent beaucoup mieux à cette situation critique que les femmes séparées ou divorcées, dans la mesure où les hommes qu'elles fréquentent "ont plus de ressources". Pas de chance pour les célibataires ou les femmes en quête d'émancipation, donc. Mais bien sûr, à ce réchauffement climatique qui accable les esprits comme les corps, il faut ajouter tout un contexte qui, lui, mine les deux sexes : malnutrition, manque d'argent, pénuries diverses...
C'est d'ailleurs vers un rapport plus complexe qu'il n'y paraît entre les genres que nous conduit cette étude scientifique. Car il y a (peut-être) une petite touche de positif dans tout cela. En Asie du Sud par exemple, précise la revue Nature Climate Change, les hommes qui se déplacent régulièrement afin de subvenir à leurs besoins laissent "beaucoup plus de responsabilités" à leurs épouses, leur confèrent les moyens matériels et le soutien moral nécessaires à la survie du foyer, entre activités alimentaires, techniques et agricoles, sans s'encombrer de préjugés sexistes. Comme si l'urgence participait à réviser son petit guide des inégalités professionnelles...
Moralité ? Elle tient en une magnifique punchline : "La structure patriarcale ne peut tout simplement pas supporter le poids du changement climatique". Une hypothèse que l'on a bien envie de chérir. Et si, loin de vriller au scénario apocalyptique, la crise climatique que nous vivons était l'occasion ou jamais de réviser certains schémas sexistes ? N'est-ce pas à cela que nous invite la pensée écoféministe ? Bien sûr, quand on voit les remarques qu'essuient celles qui osent défendre la sauvegarde notre planète, il y a de quoi se gratter le menton. Mais on peut toujours rêver, non ?