Les femmes représentent 55% des retraités et 57% des bénéficiaires du minimum vieillesse. Et pour cause, le montant de leur retraite est inférieur en moyenne de 42% par rapport à celle des hommes… C’est pour protester contre cette inégalité structurelle que les associations féministes (Les effrontées, Osez le Féminisme, Laboratoire de l’égalité) se mobiliseront ce mardi 10 septembre dans le cadre de la manifestation contre le projet de réforme des retraites présenté par Jean-Marc Ayrault à la fin du mois d’août. Mis sur la table trois ans après la réforme Fillon, le plan du gouvernement actuel semble pourtant aller plus loin en ce qui concerne la situation des femmes et les spécificités de leurs parcours. Explications et passage en revue des 3 mesures phares destinées à réduire les inégalités hommes-femmes face à la retraite.
Deux facteurs permettent d’expliquer pourquoi les femmes se retrouvent pénalisées au moment de la retraite. D’une part, l’écart de salaires entre hommes et femmes : elles gagnent en moyenne 27% de moins que les hommes. Le montant de la pension retraite étant calculé sur la base du salaire annuel moyen et de la durée de carrière, les femmes sont d’autant plus pénalisées qu’elles représentent 80% des travailleurs à temps partiel. D’autre part, leurs carrières sont plus souvent morcelées et incomplètes du fait de la maternité. Ayant travaillé moins et pour des salaires moindres, elles se retrouvent avec des pensions très réduites : en 2008, 60% des femmes seulement avaient validé une retraite complète, contre 77% des hommes. Que propose le gouvernement pour y remédier ? Et qu’en pensent les associations féministes ?
La réforme du gouvernement Fillon en 2010 avait déjà fait un pas vers les femmes en incluant le congé maternité dans le calcul de la retraite. Le plan Ayrault, sur lequel la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a également planché, propose d’aller un peu plus loin. Actuellement seul le trimestre au cours duquel est survenu l'accouchement est pris en compte dans le calcul de la pension : le congé maternité classique étant de 4 mois, un seul trimestre est décompté. Mais pour les grossesses multiples et à partir du troisième enfant, le congé maternité est allongé : huit mois et deux semaines pour des jumeaux, six mois et deux semaines pour un troisième enfant. Désormais ces femmes pourront « valider autant de trimestres que de période de 90 jours de congé maternité », selon le projet présenté par la ministre. Soit une revalorisation significative pour les mères de famille nombreuses.
Un autre dispositif devrait jouer en faveur des mères de familles nombreuses. Le système prévoit actuellement une majoration de 10% de la pension pour les parents de plus de trois enfants. Cette majoration étant proportionnelle, elle était presque systématiquement plus avantageuse pour les hommes, qui ont des pensions plus élevées. Pour rompre le cercle vicieux, le gouvernement pourrait proposer de plafonner cette majoration, et de la transformer en bonus forfaitaire, accessible dès le premier enfant. Une concertation doit encore avoir lieu sur cette mesure qui concernera les retraités partant en retraite à compter de 2020.
Dans un communiqué, l’association « Osez le féminisme » s’est félicitée de ces avancées importantes : « Concernant les droits familiaux, les deux propositions de valider d’autant de trimestres que de périodes de 90 jours de congé-s maternité et de refondre les majorations de pension pour enfant(s) vont dans le bon sens. En effet, la majoration bénéficiait davantage aux hommes qui ont des pensions de retraites en moyenne plus élevées et qui interrompent moins leur activité pour l'éducation des enfants. Étendre cette majoration aux familles dès le premier enfant et non pour les seules familles de trois enfants serait également un progrès. »
Les femmes occupent 80% des emplois à temps partiel, et pour 30% de ces employées, le temps partiel est subi, contre 6% chez les hommes… Ces travailleuses précaires touchent de fait des revenus très faible au moment de la retraite. Le gouvernement propose d’agir sur le nombre de trimestres validés, afin que leur pension soit significativement impactée. Comment ? Premièrement en « abaissant le seuil de validation des trimestres » de 200 heures à 150 heures. Ce qui signifie que pour acquérir un trimestre, elles ne devront justifier que de 150 heures rémunérées au Smic, au lieu de 200. Deuxièmement, il sera désormais possible de reporter les heures cotisées non utilisées dans le calcul d’une année pour valider un trimestre l’année suivante.
Une mesure saluée par le mouvement « Osez le féminisme » (OLF), qui souhaiterait cependant qu'elle « s’accompagne de dispositifs visant à réduire le nombre de femmes en temps partiel subi. » Le collectif féministe « Les effrontées » dénonce pour sa part « une mesurette », et propose « d’instaurer une sur-cotisation sociale des patrons sur l’emploi à temps partiel (cotisation équivalente au temps plein) » pour les dissuader de recourir au temps partiel.
Les associations de femmes restent très mobilisées contre le Plan Ayrault, estimé « largement en-deçà des attentes » selon OLF, pour qui la principale mesure, à savoir l’allongement de la durée de cotisation pour tous les actifs, « augmentera de façon dramatique les inégalités de pension femmes-hommes et la pauvreté de nombre de retraitées. Ayant des carrières plus courtes et plus discontinues que les hommes, les femmes devront donc travailler plus longtemps encore pour bénéficier d’une retraite à taux plein. » Même son de cloche dans la plupart des collectifs ayant appelé à manifester le 10 septembre.
Le gouvernement se défend pourtant, expliquant par la voix du ministère des Droits des femmes que « la réforme n’accroît la durée d’assurance nécessaire pour acquérir une retraite à taux plein qu’à compter de 2020 et de façon très progressive ». Les auteurs du projet de loi estiment que les générations concernées par l’allongement de la durée de cotisation (nées dans les années, 60, 70 et les suivantes) valident quasiment le même nombre de trimestres entre hommes et femmes. « On sait aujourd’hui que parmi les trentenaires, les femmes et les hommes ont validé autant de trimestres de retraite », soutient un porte-parole du gouvernement. Selon les projections ministérielles, les femmes cotiseront en moyenne autant que les hommes d’ici à 2029 (167 trimestres pour les femmes contre 169 pour les hommes).