C'est une première. Le 31 mai dernier, la tenniswoman numéro 2 mondiale Naomi Osaka a annoncé son retrait du tournoi de Roland-Garros. La raison ? La championne de 23 ans souhaite conserver sa santé mentale. Quelques jours plus tôt, elle avait fait l'objet d'une amende faramineuse de 15 000 dollars pour ne pas s'être présentée à une conférence de presse (obligatoire) faisant suite à son dernier match. Un exercice qu'elle jugeait trop stressant, "mettant en doute" les sportifs, comme le détaille le journal L'équipe. Ce qui accable violemment sa santé mentale.
Naomi Osaka s'est posément expliquée à ce sujet le temps d'un tweet : "La meilleure chose pour le tournoi de Roland-Garros, les autres joueurs et mon bien-être est que je me retire pour que tout le monde puisse se concentrer sur le tennis. J'ai souffert de grandes périodes de dépression depuis l'US Open de 2018 et j'ai eu beaucoup de mal à tout gérer", peut-on lire. Une parole sans filtre.
Dans sa publication abondamment relayée, la championne évoque également son caractère "introverti" et son intense "anxiété sociale" qui prendrait la forme de "grandes vagues" la submergeant d'un court à l'autre. D'où, entre autres, son malaise à l'idée de participer aux conférences de presse systématiques. Anxiété, dépression... Des termes que l'on a pas l'habitude de voir apparaître dans la bouche des grandes sportives.
Tant et si bien que si les institutions sportives dénoncent son attitude, d'autres, au contraire, soutiennent ce geste exceptionnel.
Et pas n'importe qui. Serena Williams, excusez du peu, s'est ainsi exprimée : "Je suis triste pour Naomi. J'ai la peau dure. Mais chez d'autres elle est plus fine. Nous sommes tous différents et chacun gère les choses à sa manière. Il faut juste la laisser gérer les choses à sa manière et de la meilleure des façons possibles".
Mais aussi la tenniswoman multi-médaillée Martina Navratilova, l'espace d'un tweet sororal : "Je suis tellement triste pour Naomi Osaka et j'espère vraiment qu'elle ira bien. En tant qu'athlètes, on nous apprend à prendre soin de notre corps, et peut-être que l'aspect mental et émotionnel est trop éludé. Il ne s'agit pas simplement de faire ou de ne pas faire une conférence de presse. Bonne chance Naomi !". Comme l'énonce la championne, il serait peut être temps que la santé mentale des sportifs et sportives passe au-dessus de ces exercices forcés.
"Cette règle stupide devrait être supprimée", "Il faut du courage pour prendre du recul et prendre soin de soi", "Merci de la soutenir. Elle semble être une jeune femme solide et équilibrée, incroyablement talentueuse, avec une grande intégrité. Je détesterais la voir se faire déchirer pour avoir tenu bon et avoir pris soin d'elle-même", commentent à l'unisson de nombreux internautes sur la Toile.
La santé mentale serait-elle un enjeu beaucoup trop mésestimé dans la sphère sportive, en plus de l'être dans le monde professionnel, et dans la société en général ? C'est en tout cas ce qu'assure le Guardian. "Le sport aime les athlètes ayant des problèmes de santé mentale - s'ils se taisent et jouent !", ironise à ce titre le journal britannique. Accusée de déshonorer la scène sportive, amendée et menacée d'expulsion (avant qu'elle n'annonce elle-même son propre départ du tournoi), Naomi Osaka semble bousculer de vieilles traditions.
Et révéler une certaine hypocrisie. 'Tout athlète loué pour son honnêteté à propos de sa santé mentale - ou de ses "démons", comme l'on dit dans le langage sportif - n'est loué que si son discours est prononcé après l'événement sportif", explique le Guardian. En somme, sportifs et sportives sont applaudis - par les médias notamment - quand ils évoquent leurs failles et leurs fêlures, mais leur vulnérabilité a ses limites aux yeux des institutions.
Mine de rien, c'est tout un système que fustige le geste salutaire de Naomi Osaka.