Royal-Aubry : trajectoires contrariées
Publié le 1 octobre 2012 à 12:46
Par Sonia Mabrouk
Ce sont deux fortes têtes et deux caractères bien trempés. Ségolène Royal et Martine Aubry ont, chacune à leur manière, marqué la vie politique française. La première, intuitive, conquérante, insoumise, souvent seule contre tous, a bousculé les codes du monde politique. La seconde, obstinée et colérique, souvent décrite comme la « mère sévère », a su gagner la confiance et l'estime de ses pairs. Différentes, souvent adversaires, les deux dames du PS connaissent pourtant aujourd'hui le même sort : elles ne sont plus au premier plan de la scène politique. Simple parenthèse ou retraite anticipée ? Enquête.
Royal-Aubry : trajectoires contrariées Royal-Aubry : trajectoires contrariées© AFP/Archives
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Surtout n’allez pas demander à Martine Aubry pourquoi elle n’est plus ces derniers temps au cœur de la vie politique. Fidèle à sa réputation, elle vous enverrait directement sur les roses : « Parce que vous considérez qu’être maire de Lille et présidente de la communauté urbaine de cette ville c’est être à la retraite ? ». On ne peut douter de la sincérité de la réponse tant Martine Aubry a montré son implication et son attachement à sa ville de Lille. Pourtant, à y voir de plus près, c’est une véritable parenthèse pour cette femme qui, toute sa vie durant, a été aux avant-postes de la scène politique et médiatique. Ministre, symbole des 35 heures, Première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry a été de toutes les batailles.

Départ anticipé


C’est d’ailleurs eu égard à ce parcours que François Hollande, devenu président, lui laisse carte blanche pour sa propre succession à la tête du Parti socialiste. « Surtout ne pas humilier Martine », répètent en chœur les hollandais. La dame du PS y croit. Elle veut élire Jean-Christophe Cambadélis contre Harlem Désir, mais rien ne se passe comme prévu. François Hollande - contrairement à sa promesse de ne pas s’impliquer dans les affaires du parti - tire les ficelles en coulisses et impose son candidat. C’est un camouflet pour Martine Aubry. Un de plus, après celui de Matignon. Mais un de trop aussi pour celle qui a loyalement soutenu le gagnant des primaires socialistes. Martine Aubry décide alors de claquer la porte sans même attendre le congrès de désignation de son successeur en novembre. Cocue peut-être, mais toujours fière, elle se retire à Lille.

Un « souci en moins » pour le président


Ses proches jurent qu’il ne s’agit pas d’une retraite monacale, qu’elle reviendra si on la rappelle. Seulement, pour le moment, personne ne la rappelle. Et encore moins François Hollande. Le président et sa garde rapprochée - Manuel Valls, Vincent Peillon, Stéphane Le Foll et Pierre Moscovici - sont les premiers « bénéficiaires » de cet exil lillois. « C’est un souci en moins pour le président et son équipe », va jusqu’à confier un sénateur socialiste. « C’est elle qui a milité pour le non-cumul des mandats. Or, ce principe pourrait bien nous coûter nos places à la Haute-Assemblée. Parfois je me demande si elle ne joue pas contre son propre camp », affirme haut et fort un élu socialiste montpelliérain.

Martine Aubry
serait donc indésirable. Elle a beau glisser quelques confidences dans Paris Match sur son éventuel retour et pourquoi pas à Matignon, personne n’y prête vraiment attention. En quelques mois, depuis l’accession de François Hollande à l’Elysée, doucement, subrepticement, la dame de fer, l’incontournable symbole des 35 heures a été « placardisée ». Sa mise à l’écart ressemble étrangement à celle d’une autre dame du parti, Ségolène Royal.

Ségolène contre-attaque

Du meeting du Bourget, où elle ne figurait pas dans le film retraçant les heures glorieuses de la gauche, en passant par la cérémonie de passation des pouvoirs à l’Elysée jusqu’au récent chassé-croisé dans le hall de l’ONU, Ségolène Royal a rapidement compris qu’elle était, elle aussi, indésirable. Mais la dame du Poitou n’est pas femme à se laisser faire. Après avoir été snobée par François Hollande qui se trouvait à quelques mètres dans les couloirs des Nations unies, elle contre-attaque. Une charge aussi courte que percutante. Quelques mots qui font mouche : « A présidence normale, relations normales », déclare-t-elle, avant d’ajouter : « Ca suffit ! Si ça avait été Martine Aubry ou Harlem Désir, il serait venu les saluer ». On l’aura compris, il ne sera pas aisé de se débarrasser de Ségolène Royal. Le message vaut pour François Hollande et tous ceux et celles qui l’entourent.

L’attente…


En attendant des jours meilleurs, les deux dames retiennent leurs coups. Pas question pour Martine Aubry et Ségolène Royal de critiquer l’action du Président et du gouvernement. Du moins pour le moment. Qu’en sera-t-il dans quelques mois ? L’impopularité grandissante du président, le chômage galopant, la récession frappant, les deux roses du PS pourraient sortir leurs épines et faire entendre leurs voix. En se retirant sur son Aventin lillois, Martine Aubry se pose en recours, du moins le pense-t-elle. Si les circonstances le lui permettent, elle ne laissera pas passer deux fois sa chance de se retrouver à Matignon. Après avoir joué loyalement le jeu de l’élection de François Hollande, Ségolène Royal attend elle aussi un signe de reconnaissance.

Mais l’une comme l’autre ne patienteront pas éternellement, au risque de jouer leur propre partition et de se retrouver ainsi unies contre François Hollande. Leur seul point commun.

Crédit photo : AFP/ Archives

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