Dénoncer le sexisme ordinaire dans le milieu de la musique électronique, c'est là le but salutaire du bien nommé compte Instagram "Tu mixes bien", déjà suivi par plus d'un millier d'abonnés attentifs. Ses instigatrices, des DJs et productrices strasbourgeoises, y recueillent les témoignages les plus édifiants. En résultent des posts acides qui portraitisent une scène bien moins progressiste et "ouverte" qu'on ne pourrait le croire.
Une plongée au sein du "monde de la nuit" qui marche sur les pas du mouvement #MusicToo, incitant à une libération de la parole au sein de l'industrie musicale - française notamment. Et les citations rapportées parlent d'elles-mêmes. Florilège : "T'as réussi à booker ce DJ, je suis sûr que c'est juste parce qu'il te trouve bonne", "Mademoiselle, c'est pas possible que vous soyez DJ, je vous laisse pas entrer", "Essaie de mettre un soutif la prochaine fois, y'a beaucoup de mecs qui ne voient que ça", "Je préfère quand c'est une meuf qui mixe c'est toujours plus beau et excitant", "Quand on te voit comme ça on aurait jamais pensé que tu réussirais à mixer".
Vous l'aurez compris, ce sexisme-là est des plus banalisés dans cette sphère musicale particulière. "Aujourd'hui, nous pensons qu'il est légitime d'en parler haut et fort et de pouvoir lever certains tabous du monde de la nuit", expliquent en retour ses instigatrices au magazine spécialisé Tsugi. Ces créatrices auraient déjà reçu pas moins d'une centaine de témoignages en un mois. Et dénoncent un "système sexiste global" opprimant aussi bien les DJs que les productrices, techniciennes ou gérantes de clubs...
Effarant.
"Il est est essentiel de parler de ces sujets qui font encore débat, alors qu'il s'agit de faits établis et généralement connus de la plupart d'entre nous. Pour nous, rassembler ces témoignages, c'est révéler que même dans les milieux alternatifs et 'ouverts', le sexisme ordinaire continue à trouver sa place", poursuivent encore les créatrices du compte "Tu mixes bien" dans les pages de la revue musicale.
Un compte aux multiples objectifs. L'idée n'est pas simplement d'épingler les pires pépites sexistes mais aussi de "sensibiliser les gens aux questions de discrimination de genres et de déconstruire les clichés", concluent-elles à ce titre.
Nécessaire pour mettre en lumière des attitudes toxiques qui se perpétuent dans l'obscurité, entre deux DJ sets. "Ce compte a aussi pour but de débanaliser ces comportements et les remarques déplacées auxquelles nous sommes si nombreu.x.es à être confronté.x.es", développent les instigatrices, rêvant d'une prise de conscience plus nette, des anonymes comme des personnalités influentes du milieu. On l'espère également.
En tout cas, leur initiative militante ne passe pas inaperçue, et c'est tant mieux. Sous les publications, les réactions se multiplient. Certaines voix anonymes ne s'étonnent pas dudit sexisme - malheureusement. Un "système global" que le compte brosse volontiers avec une dérision acerbe. En témoigne ce mème féministe cinglant (et drôle) nous rappelant cette fameuse punchline d'Angèle : "de toutes les chattes, ça parle mal".