Le sujet n'a rien de nouveau, mais son ampleur est bien réelle. Il n'y a qu'à taper "vagin trop large" ou "trop lâche" sur Google pour constater la préoccupation qui règne autour de la fermeté et l'étroitesse de l'organe génital – ou plus précisément, du canal vaginal. 1 810 000 et 2 300 000, c'est le nombre respectif d'occurrences pour ces deux expressions sur le moteur de recherche.
Parmi les résultats, la plupart des articles expliquent ce qui pourrait provoquer une béance ou une laxité quelconque, répondant aux questions posées par les concernées. Les témoignages sur les forums, eux, s'inquiètent qu'une vie sexuelle active, un accouchement ou un changement hormonal comme les femmes en connaissent nombreux, soient la cause d'une telle situation.
La traduction est simple : avoir un "vagin large" est considéré comme un défaut, un "vagin étroit", une qualité. Voire un signe de "normalité" et de désirabilité quand on fouille plus loin (sur les sites porno, en gros).
Mais surtout, une énième injonction à atteindre un idéal physique pensé pour et par le regard masculin. Car c'est bien de là que provient cette idée reçue et ses conséquences dévastatrices : de la sensation que ressentirait un homme cisgenre en pénétrant notre sexe avec son pénis.
Et puis, cette pression est aussi intrinsèquement liée à la culpabilisation qui persiste autour du plaisir féminin, et vise celles dont la sexualité est active. On décrypte un mythe à déconstruire au plus vite.
Le raccourci a intégré les cabinets de gynécologie. Notamment sur les spéculums, l'outil qui sert à ausculter le vagin. Sur certains sites d'équipement médical, un modèle de petite circonférence sera conseillé pour les patientes vierges, sous-entendu que leur vagin est plus étroit. Pourtant, le lien entre le nombre de rapports et cette caractéristique physique serait difficilement valable.
"Il est impossible d''étirer' ces muscles pelviens", note le magazine scientifique The Swaddle, dans un article intitulé Le mythe selon lequel le sexe rend les vagins "lâches" est omniprésent, inexact et sexiste. "La taille du canal vaginal d'une personne est la même, qu'elle ait eu des rapports sexuels avec pénétration une fois, 1 000 fois ou jamais. La taille d'un canal vaginal peut varier d'une personne à l'autre, car il n'y a pas deux vagins identiques, mais cela n'a rien à voir avec l'activité sexuelle de la personne, qu'elle soit fréquente ou non."
Et de développer : "Le vagin est un muscle étroitement replié, qui peut se dilater pour accueillir des corps étrangers et se contracter lorsqu'il est au repos - un processus facilité soit par l'excitation sexuelle, soit par l'accouchement vaginal. Par exemple, lorsqu'une personne est excitée, ces muscles se détendent pour mieux faciliter la pénétration, puis reviennent immédiatement à leur état de repos en l'absence d'excitation, tout comme un élastique peut se dilater et se contracter avec facilité et souplesse."
Comprendre, donc, qu'un vagin étroit n'appartient pas forcément à une personne vierge, et inversement. Un détail que les tests de virginité appliqués dans certains pays ne semblent, eux non plus, pas vouloir prendre en considération. "Les croyances erronées concernant l'étroitesse du vagin contribuent également au deuxième test de virginité qui existe, en dehors de l'examen de l'hymen : le test de 'laxité', ou test des 'deux doigts'", explique ainsi Refinery29, prenant l'exemple d'une coutume encore en vigueur au Pakistan.
Erroné, dangereux et réducteur. Evaluées selon l'étroitesse et la fermeté de leur vagin, considéré comme un gage de pureté et de qualité, les femmes deviennent des objets dont le but principal serait d'intensifier le plaisir de leurs partenaires masculins. Leur plaisir à elles, lui, n'étant qu'accessoire.
Outre cette négation des sensations de la moitié de l'humanité, le fait d'insister sur un lien entre virginité, jeunesse, étroitesse et plaisir masculin, est également préoccupant. Et il n'y a qu'à voir les entrées sur les sites pornos, dont les vidéos étiquetées "tight pussy" (vagin étroit), "virgin" (vierge) et "young girls" (jeunes filles) rencontrent un succès terrifiant, pour le réaliser.
Ça, et l'ego des hommes. "Le mythe de l'étroitesse s'appuie sur le peu de connaissances que nous avons du plancher pelvien et du plaisir sexuel chez les femmes", souligne le média américain, qui déplore les nombreuses "astuces TikTok" qui garantissent un vagin "serré" à l'aide d'exercices de Kegel trop fréquents et forcément mal exécutés, apparues sur la plateforme ces dernières années. "Il conforte les insécurités de l'ego de l'homme hétérosexuel, car en rejetant ce mythe, on reconnaît qu'un pénis ou plusieurs pénis ne changent pas un vagin".
Alors, comment faire pour se détacher de ces croyances qu'on aimerait voir appartenir à un autre temps ? En s'informant.
Sur son propre corps, d'abord. Sur le pouvoir dont on dispose, vagin lâche ou étroit, à se faire jouir et à jouir ensemble, ensuite. Sans pénétration pour s'affranchir de ce diktat, ou avec mais en prenant les rênes de l'acte. Dans son livre La vulve, la verge et le vibro, Maïa Mazaurette évoque par exemple le terme "circlusion", qui consiste à (re)prendre conscience du muscle qu'est notre vagin lorsqu'on est soi-même pénétrée, et à encercler le pénis de l'autre avec. La sensation de contrôle n'en sera que plus orgasmique.
Après ça, c'est à ceux qui imposent sciemment cette pression sexiste de faire leur boulot. Et de nous foutre (enfin) la paix.