C'est une proposition qui fait frémir autant qu'elle prête à rire. Dans l'une de ses éditions de 1777, le London Magazine publiait ainsi un drôle de courrier signé d'un lecteur anonyme mais très imaginatif. Pour financer la guerre d'Indépendance, ce dernier avait trouvé une idée auquel aucun économiste ou politique n'aurait pensé : taxer les vieilles filles, et pourquoi pas, leurs animaux de compagnie. C'est la blogueuse américaine Mimi Matthews, qui se passionne pour l'Histoire et plus particulièrement pour l'époque victorienne, qui a dévoilé des extraits de cette savoureuse missive sur son blog.
D'après le lecteur en question, taxer les femmes célibataires permettrait de récolter au moins 300 000£ par an. Mais alors, à quel âge passe-t-on de jeune fille en fleur bonne à marier à vieille morue décrépie ? A 27 ans ! Bien sûr, il faut remettre les choses dans leur contexte. Au XVIIIe siècle, l'espérance de vie tournait autour de 40 ans en Grande-Bretagne. Une femme célibataire affichant 27 années au compteur n'était donc plus nécessairement dans la fleur de l'âge. Reste que pour notre fan du London Magazine, la femme non mariée devait payer. Il écrivait par exemple : "A 27 ans (l'âge limite de leur entrée dans leur vie de vieille femme), les femmes doivent s'enregistrer dans les livrets du lord lieutenant de leur comté et doivent établir l'inventaire de leurs biens personnel". Et si elles décidaient de mentir ? Là encore, le lecteur a des ressources puisqu'il proposait de les pénaliser en leur prélevant ¼ de leur fortune.
Comme si cette proposition de taxe n'était pas déjà assez lunaire, elle semble viser tout particulièrement les femmes qui avaient refusé le mariage pour rester indépendantes. Mimi Matthews met ainsi en exergue un passage du courrier, dans lequel le lecteur juge qu'il serait malheureux de charger les pauvres célibataires qui auraient bien voulu se marier mais qui n'ont jamais eu de proposition. Les voilà sauvées. Quant à celles qui préféraient réfléchir avant d'épouser le premier venu, attention, le lecteur de London Magazine leur prédisait le pire : "Après 35 ans, plus aucune vieille fille ne devrait avoir le droit de connaître le bonheur matrimonial. A partir de ce moment-là, elles devraient être considérées comme incapables d'accomplir les fonctions nécessaires au mariage".
Et ce n'est pas tout puisque le courrier s'attaquait également aux animaux de compagnie des célibataires endurcies : "Tous les héritages que les vieilles filles souhaitent léguer à leurs chats, petits chiens, ou tout autre animal, devront être annulés". Enfin, en plus de financer la guerre, tout l'argent récolté aurait pu être utilisé pour entretenir des institutions comme les couvents de la Madeleine. Plus proche de l'asile que du monastère, ces établissements situés en Irlande "accueillaient" les femmes perdues – soit des jeunes filles enceintes ou qui étaient considérées comme ayant des "moeurs légères". Les couvents de la Madeleine ont connu de nombreuses dérives. Près de 30 000 femmes y ont séjourné souvent contre leur volonté. Châtiments corporels, abus sexuels et psychologiques, voilà ce qui attendait les pensionnaires (voir le très beau film The Magdalene Sisters, de Peter Mullan). Prendre aux femmes célibataires pour financer le martyre d'autres femmes, voilà une idée qui claque.
Vieille de trois siècles, cette missive est aussi incongrue et désuète que les manuels pour époux idéals qui pullulaient dans les années 1930 et 1950. Et s'il est drôle de se moquer de ces idées d'un autre temps, si les représentations sociales des hommes et des femmes ont fortement évolué depuis, la société actuelle nous rappelle constamment que l'égalité des sexes est loin d'être effective que l'on soit célibataire ou mariée...