Votre pote n'en finit plus de scroller sur Insta alors que vous lui évoquez, en direct, vos problèmes de coeur ? Votre soeur snobe vos tergiversations anxieuses sur l'incertitude de l'avenir pour mater, sur TikTok, des défis culinaires ? Ça vous donne envie de noyer leur téléphone dans l'une des deux pintes que vous venez de commander (qu'elles n'ont même pas encore touchées, la faute aux notifs) ? Vous êtes au bon endroit.
Ras-le-bol de déblatérer dans le vide ou de devoir constamment lâcher des "tu m'écoutes ?" excédés pour attirer son attention sur la conversation, surtout après des semaines sans se voir en face-à-face, l'heure est à l'intervention. Pour votre santé mentale, votre confiance en vous, mais aussi le bien de votre interlocuteur·rice qui, s'il·elle continue, a de grandes chances de se retrouver seul·e comme la pluie.
Et puis, parce que la personne en question a sûrement ses raisons de ne pas réussir à décrocher de l'écran, il est judicieux d'agir, de parler, plutôt que de couper les ponts pour de bon, définitivement las·se de ces monologues involontaires.
Par ailleurs, à en croire une étude américaine réalisée en 2017, 70 % des participant·e·s estiment que l'usage qu'ils font de leur téléphone interfère avec leurs relations. Force est de constater que le problème ne s'applique pas uniquement à votre entourage, mais à l'ensemble de la population. Et que vous risquez, vous aussi, d'être assez isolé·e si vous choisissez la manière radicale d'opérer.
On vous donne donc quelques clés pour procéder en douceur, et rappeler à qui de droit que l'instant présent, c'est cool aussi.
"Ce comportement est incroyablement frustrant car il donne le message que quelqu'un ou quelque chose est plus intéressant que vous", admet volontiers Jennifer Chappell Marsh, thérapeute conjugale et familiale américaine auprès du HuffPost US. "Cela peut être ressenti comme un rejet pur et simple". C'est effectivement bien souvent le cas.
Seulement, l'experte encourage à aller plus loin que ce sentiment désagréable. Car elle l'affirme : l'impulsion ne trahirait rien d'autre qu'un esprit tourmenté. Au lieu de se braquer - aussi compréhensible cela puisse-t-il être - elle invite à interroger l'autre ainsi : "Est-ce que tout va bien ? Je remarque que tu sembles préoccupé·e par ton téléphone".
Une façon de lui faire passer le message sans l'accuser, et de lui permettre de réaliser qu'il·elle sera peut-être davantage soulagé·e en trouvant refuge dans une discussion à coeur ouvert que dans un tourbillon numérique. Soucis au boulot, charge de travail trop importante pour réussir à vraiment couper, problèmes personnels, familiaux, sentimentaux... voire un différend qui vous concerne : le dialogue sera forcément bénéfique. Et expliquera certainement bien des comportements.
"Poser une question directe rend service à la personne, puisque cela la ramène à la réalité tout en envoyant un message clair", ajoute de son côté le blogueur en psychologie Nir Eyal. "S'il y a vraiment une urgence, la personne peut s'excuser - mais le plus souvent, elle remettra [son téléphone] dans sa poche et commencera à profiter de la soirée", constate-t-il.
A ce sujet, celui du dialogue, il est nécessaire de ne pas s'y lancer n'importe comment. Surtout si vous sentez que, dans votre ton, l'agacement peut rapidement prendre le pas sur la bienveillance. Lorsque vous avez identifié qu'il s'agissait simplement d'un défaut et non d'un indice que quelque chose ne va pas, abordez le problème en partant de votre propre ressenti.
On appelle ça la "technique du je". Soit le fait de dire : "Je me sens rejeté·e en ce moment et j'aimerais avoir ton attention". Et non : "Tu réalises que tu es toujours sur ton téléphone ?"
Un moyen facile de ne pas blâmer la personne d'en face mais de lui décrire ce que vous interprétez de ses actions, et de lui laisser la possibilité de vous prouver le contraire sans qu'elle ne se sente attaquée. Résultats garantis, assurent les spécialistes, qui l'attribuent à la communication positive, tant il évite la confrontation tout en adressant ce qui ne convient pas à l'un·e ou à l'autre.
Si formuler ce qui vous dérange ne suffit pas à voir des changements dans ses habitudes, quelques limites s'imposent. Des "règles" à mettre en place histoire que votre relation ne finisse pas en eau de boudin à force de ramener le sujet chaque matin, et qui ne donnent pas non plus l'impression d'aller en cours.
On peut imaginer un accord assez informel du genre : "Quand nos verres arrivent, j'aimerais bien qu'on range nos téléphones pour qu'on puisse profiter l'un de l'autre". Ou encore : "Mettons nos téléphones dans l'autre pièce jusqu'à la fin du film pour qu'on puisse le regarder ensemble". Avec celui ou celle qui partage votre vie, ça peut éventuellement se traduire par des soirées sans écrans.
A noter toutefois, insiste finalement la thérapeute, qu'il faut savoir rester patient·e avec l'accro. Car le réflexe a la dent dure et qui sait, vous n'êtes peut-être pas épargné·e vous-même...