Honneur aux dames ce jeudi 4 juin à Roland-Garros. Après les luttes offertes mercredi par Djokovic, Nadal, Ferrer et Murray, les femmes investissent les courts des Internationaux de France de tennis pour les demi-finales dame. Au programme porte d'Auteuil, deux belles affiches : la Serbe Ana Ivanovic ouvre le bal, à partir de 15h, sur le court Philippe-Chatrier, face à la Tchèque Lucie Safarova. La seconde demi-finale oppose Serena Williams à la surprenante Suisse, Timea Bacsinszky.
Comme d'habitude des rencontres accrochées, et comme d'habitude une couverture médiatique à la hauteur de l'événement et du niveau des joueuses impliquées. A la hauteur ou presque... puisque le traitement médiatique du tennis féminin connaîtrait une régression depuis une quinzaine d'années. C'est en tout cas ce qu'avance Patrick Clastres, historien du sport interrogé par L'Obs.
"Après ces années 1970-80 de lutte pour les droits des femmes dans le tennis, on peut dire qu'une dynamique de régression s'est mise en route depuis le début des années 2000", explique l'auteur de "Paume et tennis en France" (2009). "Il n'y a qu'à regarder comment sont systématiquement filmés les matches féminins, avec cadrages en contre-plongée sur les fessiers ou en plongée sur les poitrines".
Le corps plus mis en valeur que les qualités sportives, voilà ce que déplorent certains observateurs du tennis féminin. Ainsi médias comme sponsors auraient-ils succombé, ces dernières années, à la tentation de jouer la carte de l'esthétique, voire du glamour, au lieu d'aborder le tennis pour ce qu'il est, c'est-à-dire la confrontation de joueuses exceptionnelles, puissantes et stratèges.
"En fait-on de même pour les hommes en filmant entre leurs cuisses lors des changements de côté ?", interroge l'historien, relevant la différence subtile de traitement que semblent adopter les diffuseurs à l'égard des hommes et femmes sur le circuit ATP, et autres grands tournois internationaux.
Un traitement médiatique genré, des équipementiers imposant des tenues courtes... Le débat et les suspicions qui l'accompagnent n'ont rien de nouveau et reviennent régulièrement sur le tapis. Déjà en son époque, Suzanne Lenglen faisait l'objet d'un traitement inédit : "La presse française et internationale, écrite seulement par des hommes, préfère mettre l'accent sur sa grâce, sur son physique et son esthétique", tient à rappeler Patrick Clastres.
Des stéréotypes qui ont persisté tout au long du 20e siècle et jusqu'à maintenant, de Billie Jean King à Serena Williams, en passant par Martina Navratilova ou Amélie Mauresmo. "On parle toujours d'elles en évoquant leur esthétique, leur physique, leur grâce, avant de discuter de leurs qualités de jeu", fait remarquer l'historien.
Rançon de la gloire pour ces joueuses ? Pas forcément. Certaines d'entre elles ont réussi à en tirer profit et jouent des stéréotypes en marge de leur carrière sportive. C'est le cas de Anna Kournikova, qui n'a pas hésité à enfiler la casquette de mannequin, ou Maria Sharapova, mais également Ana Ivanovic, elle aussi mannequin occasionnel.