"Cette loi est essentielle. Elle en appelle à un changement significatif. Arrêtez de prétendre que, selon ce que nous faisons, nous pourrions à tout moment 'provoquer' une agression". Ces mots puissants sont ceux de la politicienne espagnole Ione Belarra. Membre du parti Podemos, cette activiste des droits de l'Homme salue la nouvelle initiative du gouvernement national : faire adopter un projet de loi contre les viols prenant au compte l'obligation d'un consentement explicite.
En portant cette loi dite "de la liberté sexuelle" sur ses épaules jusqu'au Parlement, la ministre de l'Egalité Irene Montero désire que les femmes abusées soient davantage considérées et que leurs agresseurs ne restent pas impunis. Et pour ce faire, cette militante féministe souhaite remettre le consentement au coeur même de la législation espagnole. "Tout ce qui n'implique pas un consentement explicite de la part de la femme, sera désormais considéré comme une agression sexuelle", explique en ce sens le ministère de l'Egalité.
Pour Montero, il est important d'en finir avec une certaine "culture du viol" qui imprègne encore trop le paysage judiciaire. Qu'importe l'attitude ou la tenue vestimentaire de la victime : "Seul un oui est un oui", affirme-t-elle. Elle l'énonce d'ailleurs sur Twitter : "RIEN ne justifie ou atténue une agression sexuelle". Avec ce projet de loi, ajoute-t-elle encore, son Ministère "oeuvre pour faire de l'Espagne un pays exempt de violences sexistes". Exemplaire ?
"Le but de cette loi est d'éradiquer les violences sexuelles", énonce Irene Montero. On ne peut guère être plus claire. Plus qu'une amélioration du traitement des victimes, la ministre envisage ce projet comme une vaste campagne de sensibilisation au consentement et aux agressions sexuelles, dont l'objectif serait à la fois "social, juridique et législatif". Et cette ambition n'éclot pas de rien. Le gouvernement, tout comme le peuple, a encore à l'esprit les tragédies qui ont secoué le pays, et notamment l'affaire de "la Meute".
En juillet 2016, lors des célébrations de la San Fermin, cinq hommes avaient violé à tour de rôle une jeune fille de 18 ans. Tout en filmant cet acte collectif. Une barbarie atroce qui avait suscité de grandes manifestations féministes. Pas simplement à cause de la cruauté de la chose, mais du premier verdict apposé par la Justice : condamner ces hommes non pas pour "viol en réunion" mais pour "abus sexuels". Et si, après plusieurs passages au tribunal, les criminels ont finalement été condamnés à quinze ans de prison "pour viol" par la Cour suprême espagnole (c'était en juin dernier), la colère, l'incompréhension et l'indignation, elles, sont encore là.
C'est pour cela que la secrétaire d'État à l'égalité Noelia Vera insiste sur "l'importance de ce que nous construisons [avec cette loi]", et notamment celle d'appeler un viol, un viol, et un violeur un violeur. Il n'y a pas "d'abus", mais des agressions. Grâce à cette prise en compte du consentement qui règle son pas sur celui des grandes révolutions féministes actuelles, ajoute la députée et journaliste féministe, "ce pays sera un meilleur endroit pour les femmes". Plus que cela, la militante souhaite que l'Espagne donne l'exemple à ses voisins. "Le monde nous regarde", ajoute-t-elle à juste titre, à quelques jours de la Journée des droits des femmes.
"L'idée n'est plus de prouver la soumission de la victime, mais le consentement, et tout ce qui n'implique pas un consentement explicite de la part de la femme est considéré comme une agression sexuelle, éliminant également la différence entre abus et agression sexuelle", explique Irene Montero, avant de l'affirmer d'une voix limpide : avec cette loi, l'Espagne deviendra "un pays plus sûr et plus libre". Une conviction intime et politique.