Ses copines l'appelaient "La dalmatienne", à cause des nombreux bleus qui marquaient sa peau. Une anecdote qui en dit long sur le morbide de cette affaire. Victime de violences conjugales, une jeune femme de 32 ans a tué son mari d'un coup de couteau en plein coeur. C'était il y a quatre ans déjà. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle a rendu son verdict. Et c'est un soulagement pour ses proches : elle est acquittée.
Légitime défense. C'est la raison pour laquelle cet acquittement a pu avoir lieu. La dangerosité de son compagnon a effectivement pu être démontrée, témoignages étayés de l'entourage à l'appui. Ce verdict n'a rien d'anodin : l'avocat général avait lui-même requis huit ans de prison pour la jeune femme qui, aujourd'hui, a pu retrouver sa liberté. Pour son avocat Jean Kopf, ce n'est pas qu'un fait divers de plus ou la fin d'un procès (qui aura duré trois jours consécutifs), mais une grande victoire.
"Je suis bien sûr très satisfait, car la légitime défense est très difficile à obtenir, il faut une proportionnalité, et, là, en l'occurrence, elle avait un couteau et son compagnon n'était pas armé", précise l'avocat dans les pages du Monde. Et Jean Kopf n'est pas seul à s'en réjouir. Sur les réseaux sociaux, cette délibération a suscité un vif émoi. "Ce jugement - ne pas condamner une femme qui a survécu à des violences répétées et qui a finalement poignardé son persécuteur - est une victoire historique ! Désormais il faut rendre ce grand problème sociétal plus visible", a réagi en ce sens l'entrepreneure et professeure Janice Byrne.
Partout, on salue cette décision "humaine et juste", qui ferait honneur à toutes les femmes "persécutées, violentées, frappées et pire". Du côté des associations féministes également, l'enthousiasme est bien présent. "On avance !", affirme le collectif Féminicides par compagnons ou ex, recensant les cas de féminicides conjugaux commis dans l'Hexagone. "On ne peut qu'applaudir !", corrobore encore Frédérique Martz, la directrice de l'Institut en santé génésique, lequel prend en charge tout type de violences faites aux femmes.
Les centaines de réactions positives donnent une petite idée de la rareté de ce verdict. Une exception ? Il suffit pour s'en convaincre de relire les mots de l'avocate Anne Bouillon qui, interviewée par Le Point, l'avait affirmé : "Notre justice est encore trop patriarcale". A écouter cette grande défenseuse des femmes victimes de violences, "l'institution judiciaire n'est pas épargnée par ce patriarcat qui continue d'infuser la société. La domination masculine reste très forte et l'émancipation des femmes demeure en 2019 une question fondamentale".
Un constat qui, lui, reste sans appel.