Fin avril, l'ONU Femmes publiait un grand rapport consacré à la situation des femmes dans l'économie mondiale. Le document, baptisé "Progress of the world's women", constate les énormes disparités qui subsistent et pénalisent les femmes à l'échelle planétaire. Selon ses auteurs, qu'ils s'agisse de pays riches ou pauvres, les politiques économiques actuelles ne profitent pas suffisamment aux femmes. "On perçoit des fossés énormes entre les hommes et les femmes, mais aussi entre riches et pauvres", relève ainsi Laura Turquet de ONU Femmes.
Dans les pays développés, la discrimination au travail reste élevée, y compris pour les femmes occupant des postes à responsabilité. En Union Européenne, 75% des femmes managers ont connu une forme de harcèlement sexuel au travail. Dans les pays en développement, la situation des femmes est autrement plus grave : peu de chances d'être envoyées à l'école, risques de mariages forcés, de violences sexuelles, travaux essentiellement domestiques... Où qu'elles vivent, ces femmes sont menacées de terminer leur vie dans la pauvreté.
"Il n'y a jamais eu autant d'inégalités depuis la Seconde Guerre Mondiale", poursuit Laura Turquet. Une analyse confirmée par Phumzile Mlambo-Ngcuka, Secrétaire générale adjointe de l'ONU chargée de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes : "Il y a une illusion du progrès", regrette l'initiatrice du rapport. "La rhétorique autour de l'égalité des sexes n'est pas confirmée par les données", constate-t-elle en mettant en avant les résultats de l'étude.
L'ancienne vice-présidente d'Afrique du Sud propose ainsi dans ce rapport un calendrier afin de revoir le fonctionnement des politiques actuelles et tendre, à terme, vers une égalité réelle entre les genres. Le principe, celui du gagnant-gagnant, part de ce postulat : donner aux femmes plus d'argent leur permettrait de dépenser plus, ce qui génèrera en retour de la demande. Mais à quoi ressemblerait alors une économie qui prendrait mieux en compte les défis rencontrés par les femmes ? Le rapport de l'ONU avance quelques éléments de réponse.
Premier pilier évoqué, celui de l'emploi des femmes. Le système économique tel que promis par le rapport prévoit non seulement plus d'emplois pour celles-ci, mais surtout des emplois qualifiés, de manière à leur offrir le choix et surtout de pouvoir prétendre à des salaires égaux à ceux des hommes.
Ainsi le rapport préconise un encouragement global des femmes à s'investir dans des domaines d'ordinaire occupés par les hommes, ainsi que l'introduction de salaires minimum et de quotas. Des changements qui doivent aller de paire avec la reconnaissance des travailleurs informels, dont l'écrasante majorité sont des femmes.
Souvent négligée dans les rapports économiques à l'échelle mondiale, l'activité de soin, accomplie majoritairement par les femmes, doit être prise en compte par cette nouvelle vision macroéconomique. C'est l'économie du "care", celle qui apporte sa force de travail à ceux qui en ont besoin (enfants, personnages âgées, en difficulté...) et qui sert finalement les intérêts de la société plus que ceux des femmes qui la font vivre.
Phumzile Mlambo-Ngcuka milite ainsi pour une meilleure reconnaissance de cet aspect du travail au féminin. Selon elle, le "care" tel qu'il existe aujourd'hui "crée des désavantages à vie pour la plupart des femmes".
La garde d'enfants devrait par ailleurs être un secteur dans lequel il conviendrait d'investir davantage, de façon à libérer du temps pour les femmes et leur permettre de rejoindre le marché du travail.
En 2000, les femmes comptaient pour 14% des assemblées nationales dans le monde. 15 ans plus tard, elles sont 22%. Une avancée qui va dans le bon sens, mais ne suffit pas pour le rapport de l'ONU. "Les femmes composent 52% de la population mondiale, pourtant nous élisons des gens qui ignorent les problèmes qui nous concernent", souligne Phumzile Mlambo-Ngcuka qui en appelle aux mouvements et organisations pour éveiller les consciences. Objectif : mobiliser les femmes, accroître leur participation dans le processus de décision et rendre les enjeux féminins plus visibles.
Si la plupart des gouvernements ont depuis longtemps apporté leur soutien aux droits humains, les politiques macroéconomiques misent en oeuvre échouent à protéger certaines catégories de la population mondiale. "Ce sont toujours les femmes et les plus pauvres qui sont touchés les premiers", observe Laura Turquet.
Le rapport "Progress of the world's women" propose alors de mieux assurer l'indépendance et la sécurité financière de ces catégories en identifiant les politiques fiscales sur lesquels il faut mettre l'accent : la protection contre le chômage, les allocations pour enfants, les pensions ou encore les transferts d'argent sont cités par le document.
Si le rapport a le mérite de poser les vraies questions, il minimise malgré tout la complexité du contexte dans lequel ses réformes doivent s'insérer. Comment les pays concernées, riches ou pauvres, seraient-ils capable de mettre en oeuvre ces propositions ? Avec quel argent ? A partir de quelles données fiables ? Des questions auxquelles il faudra répondre avant de faire de l'économie mondiale un système aussi profitable aux hommes qu'aux femmes.