Pour progresser dans leur carrière, les femmes devraient plus souvent apprendre à dire "non". C'est ce qu'affirme la chercheuse en économie Linda Babcock dans une étude relayée par Forbes. Professeure à la prestigieuse Université de Carnegie Mellon, elle s'est penchée sur la tendance qu'ont les femmes à toujours accepter de rendre service à leurs collègues après s'être rendue compte qu'elle-même passait énormément de temps dans sa journée à s'acquitter de tâches et de faveurs qui ne lui incombaient pas et qui n'avait aucun impact sur ses performances ou l'avancement de sa carrière.
Suite à ce constat, Linda Babcock a décidé d'agir. Avec quatre amies universitaires elles aussi trop enclines à rendre service, elles ont créé le club "Je ne peux pas dire non". L'objectif ? Étudier les raisons pour lesquelles les femmes se montrent si serviables et les effets sur l'avancement de leur carrière.
Déjà auteure de travaux sur la façon dont les femmes risquent de perdre 500 000 dollars au cours de leur carrière en ne négociant pas leur premier salaire, Linda Babcock a cette fois-ci publié une étude sur la façon dont les femmes ne décrochent pas de promotions parce qu'elles ont tendance à accepter beaucoup plus souvent que leurs homologues masculins de rendre des services non-promouvables.
"Lorsque vous avez besoin que quelqu'un vous rende service, les femmes et les hommes sont plus susceptibles de demander de cette faveur à cette femme, explique Lise Vesterlund, professeure d'économie et cheffe de département à l'Université de Pittsburgh qui cosigne l'étude. Une des raisons qui explique ceci est que les femmes acceptent de rendre service plus facilement."
Plus étonnant encore : les femmes elles-mêmes ont davantage tendance à abuser de la gentillesse de leurs collègues féminines. Lorsqu'elles ont besoin d'un coup de main, elles sont plus enclines à le demander à une femme plutôt qu'à un homme.
Dans un groupe dominé par les hommes, les femmes sont aussi les premières à proposer leur aide. Et un homme sera plus disposé à se montrer serviable si la personne qui lui demande une faveur est un homme.
Cette disparité a des conséquences très nettes sur la carrière des femmes : toujours disposées à apporter leur aide aux autres, elles ont tendance à accepter des faveurs qui ne les aideront en rien à décrocher une promotion ou une augmentation de salaire. Résultat : tandis que les hommes poursuivent leur carrière, les femmes restent encore et toujours bloquées sous le fameux plafond de verre.
Pour l'équipe de chercheuses, changer les choses n'incombe pas seulement aux femmes qui n'arrivent pas à dire non. C'est du devoir de toutes et tous de prendre conscience qu'ils sont plus susceptibles d'abuser de la gentillesse des femmes, et donc de renverser la tendance.
Car dire "non" coûte aussi aux femmes, qui risquent de pâtir de remarques désagréables ou d'une mauvaise réputation auprès de leurs collègues. "Quelque chose auquel les hommes ne sont pas confrontés", explique Linda Babcock. De plus, rappelle-t-elle, ces tâches qu'elles acceptent d'accomplir sont souvent considérées comme étant d'un statut hiérarchique inférieur, ce qui réduit la façon dont est perçu le travail des femmes.
Il incombe donc à toute l'équipe de travail de ne pas demander toujours à la même personne de rendre service. Le manager a aussi son rôle à jouer en veillant bien à ce les services soient rendus équitablement au sein de l'équipe qu'il ou elle dirige. C'est en corrigeant cette perception erronée des femmes au travail que ces dernières oseront enfin refuser poliment lorsqu'elles ont le sentiment qu'on abuse de leur bonté.
De leur côté, les trois auteures de l'étude continuent d'assister régulièrement à des réunions du club "Je ne peux pas dire non", qui attire régulièrement de nouveaux membres. Ensemble, les participantes apprennent à refuser poliment d'aider d'accorder des services qui n'auront pas d'impact sur l'avancement de leur carrière. Leur idée a d'ailleurs fait des émules puisque trois clubs nationaux "Je ne peux pas dire non" ont vus le jour aux États-Unis.