"Elaha", le puissant portrait d'une jeune femme en quête d'émancipation
"Elaha", le puissant portrait d'une jeune femme en quête d'émancipation
A découvrir en salles depuis le 7 février, Elaha nous relate le parcours tumultueux d'une jeune femme d'origine kurde qui, à quelques semaines de son mariage, souhaite faire "reconstruire" son hymen. Un film introspectif et fort sur le poids des traditions.
Vingtenaire d'origine kurde, Elaha est une jeune femme en quête de liberté. Seulement voilà : son mariage s'annonce, et tous les préparatifs qui vont avec. Un poids d'autant plus étouffant... Que la future épouse n'a que neuf semaines pour trouver un médecin qui procéderait à une reconstruction de son hymen. Et ce, afin d'être raccord aux traditions.
Portrait de femme, ce premier film de la cinéaste Milena Aboyan, 31 ans seulement, se fait également le manifeste alerte d'une génération tourmentée, tiraillée entre l'archaïsme indéniable des rituels parentaux - lesquels, étonnement, prennent bien souvent les femmes pour cibles - et une volonté très personnelle de modernité, en phase avec les dernières avancées féministes. Dans le rôle-titre, l'étonnante Bayan Layla redouble d'authenticité.
Comment s'émanciper d'un système patriarcal étouffant ? A travers son personnage-titre, et les conflits (intérieurs, et pas seulement) qui ponctuent le récit, cette oeuvre s'interroge, avec sensibilité et émotion.
On pense ainsi à cette question rhétorique de la jeune femme, décochée fiévreusement lorsqu'on lui impose un examen médical, afin de "checker sa virginité" : "Je ne suis pas un produit qui doit être vérifié avant utilisation !", s'exclame notre jeune protagoniste.
En découle un récit très incarné aux questions intimes et politiques donc. La réalisatrice dépeint également son héroïne comme une prisonnière alourdie d'un avenir qu'on souhaite d'emblée tracer pour elle : la case imposée de la mère de famille avec enfants, qui, lui assure son futur époux, "aura la meilleure cuisine de toutes les mères kurdes !".
Histoire d'un conflit générationnel, mais également d'une lutte individuelle, cette curiosité cinématographique détonne par le naturel de son actrice et la pertinence de son propos.
"Et si je n'ai plus mon honneur entre mes jambes ?", demandera-t-elle en retour à sa mère, dans l'attente angoissée d'une écoute qui ne vient pas. Qu'il s'agisse de "la perdre", ou de la "conserver", force est de constater que la virginité, cette sempiternelle construction socioculturelle, demeure encore une continuelle source de violences à l'égard des femmes.