On l'appelle "summer body", "beach body ready" ou bien "bikini body", mais c'est toujours la même mélasse : cette tendance boostée par le marketing qui veut que les femmes sculptent leur plus belle silhouette afin de parader sur les plages comme sur un podium. Mais au fil des années, les discours bien plus décomplexants, les alertes quant à la dangerosité de certaines injonctions (à la perte de poids notamment) et les publications d'influenceuses plus féministes et "positives" ont heureusement changé la donne.
Tant et si bien que l'on se demande si le "summer body" pèse encore aujourd'hui de son influence sur les réseaux sociaux et dans les magazines féminins, là même où cette expression anglophone érigée en tendance se propageait volontiers depuis des années déjà. Si l'on trouve encore quelques titrailles en vrac de magazines people et fashion recommandant à leurs lectrices des "formules minceur" pour façonner ce corps irréel, cette tendance semble désormais has been. Et bien des choses le démontrent.
Car les personnalités les plus influentes le décochaient : le summer body est mort, vive le summer body ! Et ce, en vantant les vertus d'une nouvelle tendance virale, le "hot girl summer". "Le Hot Girl Summer consiste à vivre sa vie sans regret et apprendre à se connaître en tant que femme, à vivre [sa] vie au mieux", détaillait alors l'internaute Tyra Striker au sujet de ce concept popularisé par la rappeuse féministe Megan Thee Stallion. Ces ondes-là privilégient le bien-être, la connaissance de soi et une certaine" fuck you attitude" face aux diverses pressions sexistes qui pullulent.
"Il s'agit de se réapproprier son corps au sein d'une saison généralement riche en complexes pour tout ce qui a trait à l'apparence, comme une rébellion amusante, provocante et sexy", se réjouit le magazine en ligne Bustle. Comme un écho au mouvement social qui fut le premier à déboulonner au gré de posts, tribunes et séances-photos les exigences du "bikini body" : le body positive, critique inspirante des diktats physiques, militant pour une représentation et une visibilité plus inclusive des corps, et plus encore ceux des personnes grosses.
Un mouvement largement médiatisé désormais, jusqu'aux galas de mode : qui ne connaît pas des personnalités aussi suivies qu'Ashley Graham ou Irena Drezi, toutes deux mannequins et militantes body positive ? Des voix abondamment suivies sur les réseaux sociaux, qui ne cachent pas la perplexité que peut susciter un phénomène tel que le "bikini body". Ashley Graham notamment arbore un joli maillot durant l'été, mais pour mieux dévoiler, sans filtre, ses formes et vergetures.
Et ce n'est pas près de s'arrêter. Cette année, c'est sur le réseau social le plus pop du moment, TikTok, que s'exprime cette contre-attaque militante. "Avant, j'avais honte parce que la société dit que les personnes grosses ne sont pas belles. Je n'aurai plus jamais honte désormais. Je suis une reine et vous aussi. Mets le maillot, bébé !'", y scandait en ce début d'été l'influenceuse Randi Bosin, arborant un maillot de bain deux-pièces noir. Le message est bien passé. Sur le réseau social, le maillot est réapproprié et fièrement porté par celles qui trop longtemps semblaient exclues de toute tendance incluant le mot "bikini". On s'en réjouit.
Du côté d'Instagram, c'est encore la chanteuse Lizzo qui change la donne en s'érigeant en voix (parmi d'autres) du "big girl summer". La rappeuse n'hésite jamais à fustiger la grossophobie dans ses posts. Elle est pour beaucoup l'incarnation d'une génération décomplexée et féministe, consciente des outils du patriarcat et de la manière dont celui-ci peut contrôler le corps des femmes et dicter les normes de beauté. Parmi tant d'autres, Lizzo remet le "summer body" au goût du jour, et l'on se met à rêver d'étés plus révolutionnaires.
Après une année et demi de pandémie, alors que notre corps a été mis à rude épreuve et que la grossophobie a une fois encore fait des ravages, cette tendance est libératrice.
Le site lifestyle Well and Good a observé ces derniers temps des évolutions notables. Au niveau de certains slogans par exemple (le programme de régime Weight Watchers privilégiant désormais l'adage "Wellness that Works", mettant davantage l'accent sur la santé - wellness - que sur la perte de poids), des mannequins mis en avant dans les médias mainstream (comme la model "high size" Hunter McGrady, mise en Une du magazine Sports Illustrated en maillot) ou des marques émergentes se présentant comme "inclusives", à l'instar de Girlfriend Collective, qui propose notamment des leggings grande taille.
Pas forcément de quoi crier victoire trop tôt, mais les mentalités semblent cependant évoluer dans le bon sens. Sur TikTok, les vidéos #biggirlsummer abondent et ont déjà cumulé plus de 14 millions de vues. De quoi reléguer summer et bikini body à l'ombre pour de bon ? On l'espère.