"Je sais combien il est difficile de se représenter ce qu'est l'inceste quand on ne l'a pas vécu". Dans un documentaire à découvrir sur M6 le 24 septembre à 23h10, Un silence si bruyant, Emmanuelle Béart revient sur l'inceste dont elle a été victime. Une heure trente, saisie par la réalisatrice Anastasia Mikova, pour sortir de ce silence paradoxalement assourdissant.
Et mettre en lumière un puissant tabou. Tabou et pourtant, fléau. Comme l'a rappelé le magazine de France 2 Envoyé Spécial, dans l'épisode "Inceste : ne plus se taire", un Français sur dix aurait été victime d'inceste. "Au vu de l'ampleur de ce désastre, nous pouvons tous nous demander quelle est cette société, où dans le fond on a l'impression que tout le monde est d'accord pour ne pas lutter contre", s'indigne Emmanuelle Béart.
D'où l'importance de ce documentaire pour mettre en avant les victimes, leurs histoires, leur courage, en parallèle des luttes menées par la commission indépendante sur l'inceste (CIIVISE). Et, de la part de l'actrice, prendre exceptionnellement la parole sur sa propre expérience, douloureuse.
Emmanuelle Béart avait 11 ans quand elle a été victime d'inceste pour la première fois. Ces agressions se sont poursuivies jusqu'à ses 15 ans. Elle en aurait fait part à ses parents, mais rien ne se serait passé...
"Les séquelles restent plantées dans mon ADN. Mes nuits sont blanches les unes après les autres. Si ma grand-mère n'était pas intervenue, je ne suis pas certaine que j'aurais réussi à vivre : c'est aussi violent que ça, c'est aussi réel que ça", témoigne l'actrice de Manon des sources. Sa volonté ? Briser l'omerta.
"J'avais l'idée de faire un film sur l'inceste depuis l'âge de 19 ans", explique Emmanuelle Béart dans le dossier de presse. C'est la lecture des romans puissants de Christine Angot, victime d'inceste par son père (sujet qu'elle aborde dans L'inceste, Un amour impossible, Le voyage vers l'Est), qui fera office de déclencheur.
En se penchant sur ce sujet, Emmanuelle Béart espère faire bouger les mentalités, et les choses, à l'heure d'un mouvement de libération de la parole comme #MeTooInceste : "Ce n'est pas nous qui faisons du mal en prenant la parole mais ceux qui nous ont imposé le silence. Ce silence crée des cercles de mutisme, familiaux, sociaux, politiques. Parler c'est lutter contre l'emprise. Nous devons penser une réponse politique et sociétale. L'inceste est un traumatisme collectif ! Il est juste grand temps que les victimes soient prises en charge"
Un documentaire que l'on doit à Anastasia Mikova, co-réalisatrice d'un autre film documentaire, Woman, portrait choral de deux mille femmes à travers le monde. Forcément conseillé. En définitive, on pense aux mots de Corinne Masiero, conciliation puissante de l'intime et du politique : "Le seul moment où il y a égalité entre les classes sociales, c'est au moment de l'inceste : ça touche tout le monde, à égalité, partout".