Septembre 1991. L'époque des jeans neige, des très chics T-shirts Waikiki, des sacs trop lourds qui nous broyaient le dos (mais que l'on continuait à porter sur une épaule parce que c'était plus cool), de la traque aux points noirs, des cassettes sur lesquelles on enregistrait les chansons tristes de la radio, des coups de foudre d'un jour qui nous retournaient le bide, des posters de Tom Cruise plaqués sur les murs avec de la Patafix et des petits mots que l'on s'envoyait en catimini dès que le prof avait le dos tourné.
Caroline a 13 ans. Elle vient de rentrer en 4e dans un nouveau collège, sa meilleure amie s'appelle Vanessa et elles adorent passer des heures à papoter sur le téléphone fixe de la maison. Sa petite soeur Charlotte est maintenant bien trop "gamine" pour elle. A la maison, cela ne va pas fort. Son père sort de plus en plus tard du boulot, les engueulades avec maman se font plus fréquentes, les liens se distendent et se disloquent. Mais Caroline préfère ne pas trop y penser, trop occupée à fantasmer son premier baiser lovée dans les bras de David, son amour secret. Après tout, on n'est pas sérieuse quand on a 13 ans.
A travers l'année scolaire de cette Caroline en pleine mutation et ébranlée par la séparation imminente de ses parents, Adèle Bréau nous replonge au coeur de cette période de bascule et de fragilité qu'est l'adolescence. A l'image de son titre proustien, L'Odeur de la colle en pot parvient à recréer ces sensations et ces souvenirs que l'on pensait (déjà) envolés, ces montagnes russes émotionnelles qui manquaient de nous faire perdre l'équilibre à tout instant. Comme si l'on rouvrait ce carton d'archives, intime et précieux, que l'on avait sommé nos parents de conserver lorsqu'ils ont transformé notre chambre d'enfant en chambre d'amis après notre envolée du nid.
L'autrice et journaliste (ex-rédactrice en chef de Elle.fr et ex-directrice de Terrafemina) brode avec drôlerie et sensibilité les émois et les tourments de cette adolescente des années 90, à laquelle on s'identifie instantanément. Et livre un roman générationnel que l'on dévore avec délice, comme ces tartines de beurre salé saupoudrées de Nesquick que l'on s'enfilait en rentrant du bahut.
Vous avez été ado (ou parent d'ado) dans les années 90, que vous vouez un culte à La Boum ou aux Cornichons au chocolat, que vous avez versé une larmichette à la mort de Luke Perry et que vous avez le coeur serré par la mélancolie en repensant aux lourdes grilles du collège ou à vos amours (forcément éternels) de jeunesse.
L'odeur de la colle en pot d'Adèle Bréau
Editions JC Lattès