A quoi rêvait-on lorsqu'on était une femme espagnole à l'aube des années 30 ans ? A prendre son envol, siroter un verre de Vermouth avec ses copines, à voyager en Argentine, virevolter dans les bras d'un cavalier d'un soir. Mais surtout à travailler pour ne plus avoir de comptes à rendre à personne, et surtout pas aux hommes. C'est ainsi que de nombreuses Espagnoles se sont retrouvées à franchir les lourdes portes de la compagnie nationale de téléphone dans l'espoir d'y décrocher le boulot de "chica del cable", ces "demoiselles du téléphone" chargées de gérer les demandes d'appel des abonnés.
Las Chicas del Cable est la première production espagnole de Netflix, qui, après la politique-fiction française (ratée) Marseille et le biopic anglais (réussi) The Crown, continue à creuser son sillon en Europe avec ce period drama ibérique. Pour cette première saison (une saison 2 a d'ores et déjà été confirmée), la plateforme de VOD a ainsi façonné huit épisodes de 50 minutes chacun, pour un résultat léché et plutôt audacieux. Car derrière la reconstitution stylisée du Madrid des années folles, ses costumes à tomber, sa bande-son funky et son apparente légèreté, Las Chicas del Cable explore une trame féministe qui n'est pas sans rappeler l'immense Mad Men.
Ainsi, la série scrute une époque pivot de l'Histoire : dans les années 20, partout dans le monde, de jeunes femmes ont migré vers les grandes villes progressistes afin d'y trouver un job dans les télécommunications balbutiantes. "Cette nouvelle liberté de pouvoir travailler hors du foyer, la poussée de l'égalité des droits, la plus grande mobilité, les innovations technologiques ont exposé les gens à de nouveaux endroits, de nouvelles idées et de nouvelles façons de vivre", rappelle la publication Smithsonian Magazine.
Le monde du travail constituait un levier d'émancipation, un lieu de rencontres et d'échanges, une sortie de secours salvatrice pour échapper à une société patriarcale corsetée et un tremplin vers un ailleurs forcément meilleur. Derrière l'intrigue romanesque, Las Chicas del Cable s'attache à montrer la lutte de ses héroïnes pour s'extraire du triptyque mariage-enfants-maison et cette franche solidarité féminine pour naviguer dans un monde de (trop grosses) brutes.
C'est donc à travers le prisme de quatre personnages attachants que les différentes facettes de la condition féminine de l'époque se déploient : Alba, la belle rebelle qui flirte avec l'immoralité pour gagner sa liberté (campée par la très populaire Blanca Suárez), Marga la provinciale timorée qui va entamer sa métamorphose, Carlota, la petite fille riche qui brandit son girl power comme un étendard à la barbe de son père abusif ou encore Angeles, la working-mum forcée à quitter son job par son macho de mari. Quatre itinéraires et autant de combats qui font écho aux inégalités que rencontrent encore tant de femmes aujourd'hui, près d'un siècle plus tard.
"Ces femmes ont les mêmes combats qu'aujourd'hui : le combat pour l'égalité, comment conjuguer la vie de famille et le travail. Au moins, nous sommes sur le bon chemin", souligne l'actrice Ana Fernández. "Elles ont un rêve en commun qui nécessite qu'elles s'entraident pour l'atteindre. Les quatre personnages sont très différents mais quand elles se retrouvent ensemble, quelque chose les unit. D'un coup, elles se voient dans le regard de l'autre et se disent : 'Nous avons un long chemin à parcourir", renchérit la comédienne Maggie Civantos.
Addictive et glamour, délicieusement "girly" tout en évitant l'écueil de la bluette, La Chicas del Cable réussit le pari d'allier fond, forme et divertissement. On ne quitte pas.
Las Chicas del Cable saison 1
Avec Blanca Suárez, Yon González, Maggie Civanto...
A voir sur Netflix France depuis le 28 avril 2017