Par contre, vous savez en profiter. Notre rang de naissance joue considérablement sur notre caractère et notre développement. Le benjamin est le bébé de la famille, et les parents sont généralement plus indulgents avec lui qu'avec leurs premiers enfants. C'est ainsi que vous aviez le droit de regarder la télé le soir à 12 ans, la permission de minuit à 16, et le tout sans faire de vagues : l'avantage d'avancer dans les traces de ses aînés !
Qui bien évidemment, estun surnom totalement ridicule. Peu importe votre âge, vous restez Choupette, Bouboule ou La naine.
Mais vous vous en moquez, vous avez compris depuis longtemps que l'incapacité de vos parents à retenir plus de deux prénoms différents est une sorte de loi naturelle contre laquelle on ne peut pas lutter.
Vous êtes totalement insensible aux insultes, même les plus exotiques : il n'y a rien que vous n'ayez déjà entendu dans la bouche d'un de vos frères et/ou soeurs. Vous êtes difficilement irritable : il faut dire qu'en même temps, vous avez été habituée depuis votre tendre enfance à ne jamais avoir le siège près de la fenêtre lors des départs en vacances ou à ne pas pouvoir vous asseoir à la table des adultes pour Noël, même la vingtaine bien tassée.
Vous avez passé votre enfance à les harceler pour qu'ils vous laissent jouer avec eux, qu'ils vous prêtent leurs affaires et vous avez essayé par tous les moyens de leur ressembler le plus possible. Vous avez appris à singer leurs mimiques et à reprendre toutes leurs expressions. C'étaient vos héros, juste parce qu'ils étaient plus âgés, en fait. Et ils avaient beau râler et vous traiter de pot-de-colle, on sait bien qu'au final, ils étaient secrètement ravis de l'admiration sans borne qu'ils provoquaient chez vous.
Et on vous le dit depuis votre plus tendre enfance. Entre vos frères et soeurs aînés et leurs amis, vous avez toujours eu l'habitude de côtoyer et d'évoluer avec des personnes plus âgées.
Pour sortir du rôle du petit dernier, vous avez appris très tôt à observer et à imiter "les grands". A travers eux, vous avez pu tirer les leçons de nombreuses expériences de vie, et vous avez ainsi acquis une maturité impressionnante.
Vous avez pris l'habitude de ne pas attacher trop d'importance aux objets et aux souvenirs matériels : tout ce que vous avez pu avoir de neuf a toujours été réquisitionné ou abîmé par vos aînés. Et contrairement à eux, vous n'avez pas d'album photo de 300 pages retraçant le moindre de vos faits et gestes de votre naissance jusqu'à vos 18 ans, mais vous ne vous en formalisez pas.
A la guerre comme à la guerre : vous avez appris à vous endormir absolument n'importe où. Par terre, la tête à l'envers, et même scotché à un mur... Vous avez développé dans ce domaine des compétences tout à fait essentielles à la survie dans le milieu hostile que représente une famille nombreuse.
Si vous profitez sans vergogne des droits durement acquis par vos aînés, ils se vengent en passant leur temps à se remémorer des histoires datant de l'époque bénie où vous n'étiez pas encore née. Vous perdez toujours le droit à la parole à la seconde où toute la famille se lance dans une grande commémoration nostalgique des exploits accomplis par vos aînés alors qu'ils avaient seulement 2 et 3 ans.
Etre le benjamin est un atout de taille pour toutes les disputes vous opposant à vos aînés : vos parents ont toujours pris votre parti, vous considérant comme le plus vulnérable et le plus innocent du lot. Parfois à tort...
Peu importe votre âge, dans les esprits, vous êtes et vous resterez le petit dernier, le bébé de la famille. Votre grand-mère sursaute systématiquement en vous voyant une coupe de champagne à la main aux anniversaires, vos tantes ne tarissent pas d'éloge sur vous parce qu'elles s'attendent toujours à voir une gamine idiote de 10 ans, et vous laissez vos aînés bouche bée à chaque fois que vous parlez intelligemment d'un sujet sérieux.
Vous avez beau vous plaindre de votre fratrie, de tout ce que vos aînés ont pu vous forcer à faire, et de la manière dont on continue parfois à vous infantiliser, vous adorez être la dernière, et vous ne renonceriez à votre place pour rien au monde !