Ce mardi soir (8 novembre), le monde entier retenait son souffle et touchait superstitieusement du bois pour conjurer la valse infernale des "Et si...". Mais au fond, on n'y croyait pas vraiment, à la victoire de ce candidat fantoche, inexpérimenté et agressif, qui avait fait des dérapages Twitter sa carte de visite et du sexisme sa marque de fabrique. Sans se l'avouer, on avait la sensation que ce 9 novembre au matin sonnerait la fin d'une émission télé de mauvais goût : on crierait "Coupez !", les lumières se rallumeraient, et Trump ôterait enfin sa perruque et son fond de teint orange en se félicitant du show qu'il avait offert aux Américains. On s'est endormi confiants, et on se réveille incrédules, avec un goût amer en bouche que même le café n'arrive pas à faire passer.
Car sa victoire emblématise le naufrage du rêve américain, qui est venu s'écraser contre la colère d'un malaise identitaire. Que Trump soit élu après que les Etats-Unis aient porté à leur tête un président afro-américain -50 ans après l'abolition de l'esclavage-, révèle la profonde complexité de l'âme états-unienne, qui oscille toujours entre deux extrêmes, perpétuellement déchirée entre une optimiste aspiration au progrès et une volonté colérique de retour en arrière. Cette élection dévoile la machine américaine dans toute sa réalité : quand n'importe qui peut devenir quelqu'un, cela signifie également qu'un milliardaire accusé d'agressions sexuelles et passionné par les concours de Miss USA peut devenir président. Face au traumatisme de sa victoire, on ne peut que rire jaune pour ne pas pleurer. C'est pourquoi on a fait un petit récapitulatif de ce qui attend les Américains si Trump tient les promesses de sa campagne.
A défaut d'avoir de véritables compétences en politique, Trump excelle au moins dans l'art de se faire mousser. Oubliez la pudeur et l'élégante retenue qui sont traditionnellement l'apanage des présidents ! Avec Trump, on rentre dans l'ère de la fanfaronnade publique : "Je suis très riche. (...) Je suis fier de ma fortune. J'ai fait un boulot incroyable. (..) Je suis très fier de ma réussite. Je le suis vraiment. (...) Et je ne le dis pas pour frimer, c'est mon état d'esprit, et c'est ce genre d'état d'esprit dont vous avez besoin pour ce pays. Je serai le meilleur président du travail que Dieu ait jamais créé." (discours de candidature, 16 juin 2015).
Pour rendre à l'Amérique sa grandeur, il semblerait que la recette de Trump soit une bonne dose de racisme saupoudré d'un zeste de violence. En effet, son programme de campagne réaffirme que la détention d'armes à feu est un "droit naturel et inaliénable", ou "un droit donné par Dieu à l'autodéfense". Que du bonheur, en somme. Et vu sa tendance naturelle à l'agressivité (il avait déclaré le 10 août 2015 "Quand quelqu'un vous attaque, ripostez. Soyez brutal, soyez féroce."), on espère vivement qu'Obama refusera de lui donner les codes du nucléaire.
Dès son discours de candidature à l'investiture républicaine, le magnat de l'immobilier avait donné le ton de sa campagne en déclarant que le Mexique "envoie des personnes qui ont beaucoup de problèmes, et qui rapportent ces problèmes [aux Etats-Unis]", notamment "de la drogue et des violeurs". Une jolie leçon de bêtise et d'intolérance.
Mais là où Donald Trump réussit ses plus beaux amalgames, c'est lorsqu'il parle des musulmans, qu'il considère visiblement tous comme des terroristes. Après la fusillade de San Bernardino , il appelle dans un communiqué officiel à "l'arrêt total et complet de l'entrée des musulmans aux États-Unis jusqu'à ce que les élus de notre pays comprennent ce qui se passe". Champion.
Pour le républicain aux cheveux oranges, "le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l'industrie américaine non-compétitive" (Twitter, 6 novembre 2012). Par conséquent, Trump a la ferme intention d'épargner à son pays des dépenses inutiles dans ce problème factice : il a annoncé dans son programme de campagne sa volonté d'arrêter de lutter contre le réchauffement climatique. Il souhaite annuler des milliards de dollars de paiements prévus aux Nations unies pour les programmes visant à lutter contre le changement climatique, mais aussi revenir sur l'accord de Paris sur le climat et supprimer l'Agence de protection de l'environnement (EPA). Et c'est peut-être la seule fois qu'on le voit faire preuve d'un peu de cohérence : visiblement, il souhaite que tout ce qui l'entoure soit aussi nauséabond que ses propos.
Le nouveau 45ème président des Etats-Unis a expliqué dans son programme électoral qu'il ferait démanteler le plus vite possible l'Obamacare, la loi sur l'assurance maladie. Le point positif, c'est que si vous tombez vraiment malade et que vous n'avez pas suffisamment d'argent pour vous soigner, vous aurez toujours la possibilité d'en finir plus vite grâce aux armes à feu qu'on pourra acheter dans les supermarchés.
Célèbre pour son amour de la diversité et du melting-pot américain, Trump a promis durant sa campagne l'expulsion des 11 millions d'immigrés clandestins "le jour de son arrivée à la Maison Blanche", qu'il mettrait fin au programme d'accueil des réfugiés syriens, qu'il reviendrait sur le droit de sol (qui permet à toute personne étant née sur le sol américain de prendre la nationalité américaine), et qu'il mettrait en place des "contrôles extrêmes" aux frontières. Yes, he can.
Alors qu'on fête cette année les 27 ans de la chute du mur de Berlin, le candidat du Grand Old Party a eu l'idée de le célébrer dans toute sa mesure en en construisant une réplique de 1600 km le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique pour "endiguer" l'immigration. Un bel hommage qui vous rendra sûrement nostalgique.
"Robert Pattinson ne devrait pas reprendre Kristen Stewart. Elle l'a trompé comme un chien et elle recommencera-vous verrez. Il peut avoir bien mieux !", avait commenté Trump sur Twitter le 18 octobre 2012. C'est le plus du nouveau président des Etats-Unis : il vous offre des conseils conjugaux des plus raffinés via les réseaux sociaux. On attend maintenant le commentaire de l'Elysée sur la séparation des Fréro Delavega.
Donald Trump aime beaucoup les femmes -sauf celles qui ont de petites poitrines évidemment, il trouve qu'il est "très difficile de s'intéresser à une femme qui a les seins plats", confie-t-il sur son compte Twitter. Et il ne se prive pas de leur montrer la mesure de son amour, notamment en les "attrapant par la chatte" , a-t-il expliqué à Billy Bush alors qu'il se vantait d'agresser sexuellement des femmes sans qu'elles osent se plaindre parce qu'il était riche et puissant. Et plus d'une dizaine de femmes ont porté plainte contre l'homme qui est devenu président de la première puissance mondiale cette nuit. Rassurant, n'est-ce pas ?
C'est-à-dire, vous vous en doutez, à son tour de taille et de poitrine. Car seul le physique compte pour Donald Trump, qui passe son temps, en bon patriarche, à juger les femmes sur leur apparence et à leur distribuer des notes ("Heidi Klum ne vaut malheureusement plus un 10/10", 17/08/15) ou des petits surnoms affectueux ("Bimbo", "chienne", "grosse truie", "folle hystérique", "moche", "grosse", "tonneau"...). Evidemment, il lie également les compétences d'une femme à ses prouesses sexuelles : il avait attaqué Hillary Clinton sur les infidélités de son mari en demandant à ses followers : "Comment peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ?"(18/04/15). Mesdames, préparez-vous pour quatre longues années de respect, d'élégance et de progrès.
Ou du moins, contre l'avortement, qui est un crime selon Trump. Le 30 mars 2016, lorsque Chris Matthews l'interroge sur la chaîne MSNBC sur ses valeurs, le milliardaire explique "qu'il faudrait une forme de punition contre l'avortement (...) mais je ne sais quelle sanction précise". Il fallait bien que quelqu'un pourchasse les méchantes tueuses d'enfants, tout de même !
Le 45ème président des Etats-Unis est visiblement moins à cheval sur l'inceste que sur l'avortement : interrogé sur la possibilité que sa fille Ivanka fasse la Une de Playboy, Donald Trump a répondu qu'il ne "pensait pas qu'elle le ferait, même si elle a un joli visage" et un "beau cul". Il a ensuite conclu que "Si Ivanka n'était pas ma fille, je sortirais peut-être avec elle" . Qui a dit que conservateur ne voulait pas aussi dire libéré ?
La première qualité de Donald Trump, c'est son honnêteté. Le site Politifact en a d'ailleurs témoigné en compilant toutes les déclarations fallacieuses ou mensongères du candidat républicain pendant sa campagne. Un exemple ? Le 6 août 2012, Donald Trump postait sur Twitter un message teinté de racisme dans lequel il accuse Barack Obama de ne pas être américain : "Une source 'extrêmement crédible' a appelé mon bureau et m'a dit que l'acte de naissance de Barack Obama est un faux". L'ancien président avait dû publier son acte de naissance pour mettre fin à cette rumeur, tandis que le tonitruant milliardaire n'a eu de cesse durant sa campagne de mentir éhontément pour descendre ses adversaires ou séduire son auditoire. Cependant, attention, n'allez pas croire qu'il ne tient pas à la vérité : il en est tellement amoureux qu'il est prêt à rétablir "la torture par simulation de noyade" pour obtenir des aveux de prisonniers.
"Un réactionnaire est un somnambule qui marche à reculons", disait Franklin Delano Roosevelt. Et la seule certitude qui tient face au chaos actuel est que le réveil promet d'être difficile.