"Parce que ce qui terrifie le plus un homme en prison est ce qui terrifie le plus une femme... dès qu'elle marche dans la rue", dénonçait YesAllWomen dans sa campagne sur Twitter contre les violences à l'égard des femmes. Et c'est pour cela qu'à l'approche d'Halloween, une petite mise au point nous semblait nécessaire, en ce qui concerne les phobies des femmes. Parce qu'il y a des choses qui terrifient plus les femmes que de se casser un ongle ou de rater sa couleur. Et non, ce ne sont pas non plus les clowns, les araignées ou les zombies.
En réalité, les monstres d'Halloween font bien pâle figure à côté de ceux qu'une femme affronte au quotidien. Leurs noms ? Misogynie, harcèlement de rue, agressions sexuelles, violences conjugales, excision, inégalités salariales... Et malheureusement, ces monstres-là sont bien réels, et ils ne se cachent pas sous votre lit, mais marchent en plein jour, la tête haute. Les véritables histoires d'horreur, celles que craignent les femmes, commencent avec des regards déplacés et finissent dans la souffrance. Elles parlent des 75 000 femmes violées en France chaque année, des 15 millions de fillettes mariées de force dans le monde, du sexisme ordinaire ou des discriminations de genre. Voici 8 choses qui font assurément plus cauchemarder les femmes que les fantômes d'Halloween.
Certes, ses dernières fanfaronnades, où il se vantait de pouvoir "attraper des femmes par la chatte" parce que "quand tu es une star, elles te laissent faire", ont coûté à Trump le soutien de plus de 150 républicains, et risquent sérieusement de lui porter le coup de grâce le 8 novembre prochain.
Mais quoiqu'il en soit, son incroyable ascension dans la politique a quelque chose de véritablement cauchemardesque. Car ce n'est pas en dépit de son sexisme, de sa misogynie et de son racisme que Trump a réussi à se hisser à la tête du Grand Old Party et à briguer la présidence de la première puissance mondiale, mais grâce à eux. Il a réussi à briser les digues du politiquement correct qui endiguait les élans les plus inavouables et haineux de la population américaine. Et qu'il soit élu ou non, les racines de son mouvement, sa misogynie affichée et son sexisme éhonté, marqueront durablement les mentalités. Et ça, ça fait peur.
D'après une étude de l'Insee pour l'Observatoire des inégalités, tous temps de travail confondus, les hommes gagnent 23,5 % de plus que les femmes. Près de 11 % des écarts de salaires entre les deux sexes sont inexpliqués et relèvent d'une discrimination pure.
De plus, l'inégalité des salaires entre les sexes est la plus forte chez les cadres, c'est-à-dire ceux qui touchent les salaires les plus élevés : les femmes gagnent 26,3 % de moins que les hommes. Plus elles sont qualifiées, plus les femmes souffrent de cette inégalité salariale qui, d'après Le Monde, commence dès la sortie des grandes écoles. La discrimination de genre est donc toujours une réalité en France en 2016, et même un diplôme des meilleurs écoles ne la gomme pas : voilà le genre de constat qui nous glace le sang.
Les femmes représentent 48% de la population française. Or, en 2016, seulement 2 femmes sont à la tête d'une entreprise du CAC 40. Et il faudrait aussi mentionner les disciplines traditionnellement masculines, ces clubs privés saturés de testostérone, qui sont toujours aujourd'hui de véritables déserts de femmes : elles ne sont que 27,9% en politique ou 24% dans des domaines scientifiques de pointe. C'est au point les seules qui s'obstinent sont quotidiennement victimes dans ces milieux d'un violent sexisme, et ce, dans la plus grande impunité. Les carrières ont toujours des sexes -et les femmes sont les grandes perdantes de cette loterie qui ne doit rien au hasard et tout à discrimination. Frissons garantis.
Miss Islande 2015, Arna Ýr Jónsdóttir a claqué la porte du concours Miss Grand International parce que les organisateurs, qui la jugeaient "trop grosse", avaient conseillé à la jeune femme aux mensurations de rêve de s'affamer. Quelques mois auparavant, c'était la première dauphine du concours de Miss Italie, Paola Torrente, qui devait se défendre face aux critiques acerbes sur son poids. La jeune femme faisait une taille 42, soit la deuxième taille la plus courante en Europe, d'après l'Institut français du textile et de l'habillement (16,66% des femmes font du 42 et 20,6% du 40) !
Ces affaires révèlent bien à quel point le culte de la maigreur renforce son emprise sur notre société. Les femmes sont qualifiées de "plus-size" dès qu'elles dépassent la taille 36, les adolescentes traquent obsessivement le moindre bourrelet en entretenant leur thigh gap à grands coups de laxatifs, tandis que Photoshop règne en maître sur les normes irréalistes et artificielles de la beauté. Bienvenue dans l'univers malsain de la mode et de la beauté, qui joue sur l'insécurité féminine pour vendre plus : on vous garantit qu'il y a de quoi hurler d'effroi.
Dans une considération traditionnelle -et donc terriblement machiste - de la femme, la valeur de cette dernière tenait à sa jeunesse, puisqu'une femme était avant tout un ventre à féconder, et qu'on associe la fertilité et la beauté à la jeunesse. Le culte de la jeunesse chez les femmes s'enracine autour de ce précepte extraordinairement sexiste : une femme perdait toute valeur "marchande" lorsqu'elle vieillissait.
Il y a un refus obstiné de voir les femmes prendre de l'âge : à grand renfort de crèmes anti-rides, de lifting, de Botox et de produits de beauté pour "rester belle" (entendez "jeune"), les femmes cherchent à échapper à l'épée de Damoclès qui les menace, alors que la vieillesse des femmes ou la ménopause demeure de véritables tabous.
Les 35 ans passés, les actrices disparaissent dans un trou noir tandis que leurs collègues masculins débutent les plus belles années de leurs carrières : 74% des personnes à l'écran de plus de 40 ans sont des hommes. Récemment, l'actrice Maggie Gyllenhaal s'est vue refuser un rôle parce qu'à 37 ans, elle était "trop vieille" pour jouer la maîtresse d'un homme de 55 ans. Et les exemples de ce type sont légion : le jeunisme, à Hollywood ou ailleurs, a malheureusement de beaux jours devant lui. Et prendre de l'âge en sachant qu'à partir de nos 30 ans, on va nous coller une date de péremption sur le front tandis qu'on s'extasiera sur le charme des hommes de notre âge, c'est une bien meilleure cause de crise d'angoisse que les clowns.
Si la maternité peut être un immense bonheur, c'est aussi le biais d'oppression des femmes le plus universel. Dans toutes les cultures et les civilisations, la figure de la mère est sacralisée, et l'enfantement est présentée comme l'expérience qui permettra à toute femme de s'accomplir pleinement et d'accéder au bonheur. Pourtant, comme le dit si bien Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe (1986) : "Que l'enfant soit la fin suprême de la femme, c'est là une affirmation qui a tout juste la valeur d'un slogan publicitaire".
En effet, cette pression sociétale est loin d'être innocente ou désintéressée : les femmes qui enfantent assurent la pérennité de la société tout en se confortant à leur place traditionnelle (avec les enfants, à la maison). Une femme sans enfant, c'est une femme qui, au contraire, sort du rôle qui lui est désigné culturellement. Et trop souvent encore, elle va de ce fait être décrédibilisée, "punie" pour avoir osé sortir des sentiers battus. Les femmes qui refusent d'être des mères sont souvent considérées comme égoïstes, infantiles, suspectes, voire même émasculinisantes : après tout, elles abdiquent leur droit (de leur devoir ?) à l'enfantement pour revendiquer leur droit à mener leurs vies telles qu'elles l'entendent -ce que fait un homme tout naturellement. Oppressant. C'est à vous donner des suées froides. Et c'est plus oppressant encore que Chucky.
Les préjugés sont les mauvaises herbes de la pensée : ils sont particulièrement tenaces et difficiles à combattre. Un effrayant sondage Ipsos mené en décembre 2015 avait révélé que pour 27% des Français, un viol demeure toujours moins grave si la victime portait une tenue "sexy", pour 38 %, une femme qui flirte avec un homme sans vouloir de relations sexuelles est en partie coupable de son viol. Pour être parfaitement clair, cela signifie que si vous vous faites violer alors que vous êtes sortie en jupe ou en robe, un Français sur quatre disculpera votre agresseur en reportant la faute sur votre tenue.
Cela révèle bien l'ampleur de la culture du viol, qui est d'autant plus dangereuse qu'elle est insidieuse : on finit même parfois par y participer inconsciemment, en critiquant les "risques" pris par nos copines qui sortent en bas résille, ou en apprenant à sa fille comment s'habiller pour ne pas risquer de se faire violer. En voilà, une jolie histoire d'horreur.
118 femmes meurent chaque année en France sous les coups de son compagnon, soit une tous les trois jours. Et seulement 14% des victimes dénoncent ces violences en portant plainte : l'immense majorité des victimes demeure toujours cloîtrée dans un silence meurtrier.
Et le cas de Jacqueline Sauvage, 68 ans et devenue un symbole des femmes battues, en dit long sur les mentalités face aux violences conjugales : Mme Sauvage a abattu son mari le 10 septembre 2012, mettant ainsi un terme à 47 années de violences domestiques et de sévices sexuels. Norbert Sauvage avait également commencé à faire usage de la violence sur leurs enfants et à les agresser sexuellement. Condamnée à 10 ans de prison, Jacqueline Sauvage demeure derrière les barreaux, bien qu'elle ait été graciée partiellement par Hollande : elle devrait demander jeudi à la Cour d'appel de Paris sa remise en libération conditionnelle. Cette affaire révèle à quel point les femmes demeurent peu protégées face aux violences conjugales, qui restent déconsidérées par la société. Et malheureusement, cette histoire d'horreur n'a rien de fictif.