C'est un sujet qui revient souvent dans l'actualité et à raison : le traitement médiatique du féminicide de l'actrice Marie Trintignant par le chanteur Bertrand Cantat en 2003 dans une chambre d'hôtel de Vilnius. Un podcast passionnant signé Binge Audio nous rappelait récemment la banalisation dans la presse de l'époque de formulations qui ne passent plus : "crime passionnel", "crime d'amour", "il l'aimait tant qu'il l'a tuée".
20 ans après le meurtre de Marie Trintignant, c'est une autre voix qui se lève, qui depuis le début s'est mobilisée en la mémoire de l'actrice : celle de la chanteuse Lio. Interviewée par "Libération", l'artiste dénonce plus que jamais cette manière de romantiser les attitudes masculines violentes et assassines.
Elle dénonce auprès du journal : "Il y a même un journaliste qui a évoqué un 'règlement de classe' : le monde du cinéma contre le prolétariat de Bertrand Cantat, en somme. C'est une manière de nier la violence masculine, de dire que l'homme n'est que bonté, que le génie masculin est absolu sur cette Terre".
"Tout ce qui peut remettre en cause le génie masculin n'est pas susceptible d'être entendu, est forcément mauvais, manipulé, hystérique, politique", fustige encore la chanteuse. Un entretien puissant, engagé.
"Il y a toujours une très bonne raison pour que le patriarcat phallocrate tue une femme. On a d'ailleurs entendu que Marie était hystérique, qu'elle avait bu, qu'elle l'avait poussé à bout en le rendant jaloux", décrypte Lio. "Je vomis ce patriarcat rance qui tue la moitié de l'humanité", poursuit dans les pages de "Libé" celle qui sur les plateaux dénonçait déjà au début des années 2000 le culte du mâle, avec la liberté de parole qu'on lui connaît. Quitte à susciter incompréhension, dialogues de sourds et railleries masculines.
Normal : le sujet dérange. Beaucoup. Pour Lio, "l'affaire Cantat" en dit long sur notre culture, et avec elle, sur le sort des femmes : "On peut bafouer toutes les femmes du monde, les traîner dans la boue, les maltraiter... Cette misogynie, cette haine des femmes, est le nucléus de toutes les violences faites aux femmes, aux opprimés".
Des propos qui évoquent trois ouvrages récents tout à fait fondamentaux sur le sujet et son traitement médiatique : Réinventer l'amour de Mona Chollet, Préparez-vous pour la bagarre : défaire le discours sexiste dans les médias de Rose Lamy, et l'enquête Nos absentes de la journaliste Laurène Daycard.
Des livres qui déconstruisent aussi cette idée de "séparer l'homme de l'artiste", que Lio tacle : "Un salopard peut avoir du talent. Mais pas d'honneur pour les violeurs, les violents. Et à ceux qui disent qu'il a payé sa dette, je réponds : quatre ans de prison, c'est ce que vaut la vie d'une femme ?"
Au fil des années l'engagement féministe de Lio s'est d'autant plus affirmé. Quitte à déplaire. Elle n'en a cure : "on n'a le droit de vivre aux yeux des hommes que si on est leur servante. On ne peut pas vivre si on ne s'écrase pas. Quand j'ai pris la parole, je n'ai reçu pratiquement aucun soutien, je suis tombée, j'ai tout perdu. On aime les femmes qui minaudent".
"La violence s'est déchaînée quand j'ai arrêté de minauder".
Aujourd'hui, Lio n'a de cesse de rappeler pourquoi le meurtre de Marie Trintignant est plus que jamais un motif de lutte contre les violences patriarcales. Elle salue Adèle Haenel. Et poursuit le combat.