Heureux les amoureux de la démocratie et défenseurs de la parité. Dimanche 29 mars, à l'issue du second tour des élections départementales, 50% de femmes ont été élues aux postes de conseillers (contre 13,8% auparavant). Une situation inédite en France, conséquence de la loi du 17 avril 2013, disposant que les conseillers départementaux seront désormais élus au scrutin majoritaire binominal mixte.
Mais derrière cette égalité retrouvée, la parité n'a pourtant pas totalement gagné dans cette élection. Jeudi 2 avril se tenaient les élections aux présidences des Conseils départementaux. Un "troisième tour" qui, échappant à la loi citée plus haut, n'a pas sonné l'heure des femmes présidentes que certains appelent de leurs voeux. Bien au contraire, sur 101 départements, seuls 10 comptent désormais à leur tête une femme.
10%, la proportion est faible... et laisse vite à court d'arguments ceux qui précisent qu'il s'agit toujours là d'un meilleur score que les élections précédentes. Sous la dernière mandature, on ne comptait en effet que 6 femmes présidentes.
Sur les 10 femmes siégant désormais à la tête des assemblées départementales, 8 ont été élues ou réélues présidentes. A droite, Christine Bourquin (Doubs), Martine Vassal (Bouches du Rhône), Valérie Simonet (Creuse) et Nassimah Dindar (Réunion). Côté PS, Nathalie Sarrabezoles (Finistère), Hermeline Malherbe (Pyrénées-Orientales), Sophie Pantel (Lozère) et Josette Borel Lincertin (Guadeloupe). Elles rejoignent les deux présidentes qui n'étaient pas concernées par ces élections, Anne Hidalgo (PS) à Paris et Josette Manin (BPM, gauche) en Martinique.
Un bilan qui, à l'échelle du pays, s'avère désastreux. Notamment lorsque l'on sait que le même plafond de verre s'exerce dans les autres assemblées concernées par les élections locales : seules 12,9% des maires de communes de plus de 1000 habitants sont des femmes, et les présidents de conseils régionaux ne comptent... qu'une seule femme, Marie-Guite Dufay en Franche-Comté.
Interrogée sur ce phénomène, Réjane Sénac, chargée de recherche au CNRS et présidente de la commission parité au Haut Conseil à l'égalité hommes-femmes, y voit les limites de la loi actuelle. "La pente naturelle n'est pas au partage du pouvoir. La loi est nécessaire pour agir sur la proportion de candidates, elle érode les inégalités mais sans remettre en cause l'exclusion des femmes du pouvoir", explique-t-elle au quotidien Le Parisien.
Partager les places... sans partager le pouvoir ? Tel semble être le raisonnement encore appliqué dans la vie politique au niveau local. Pourtant, plusieurs élus font le pari que le phénomène s'estompera avec le temps, et l'expérience gagnée par ces nouvelles élues de la nation. "Il est rare de devenir présidente ou président quand on vient d'être élu", estime ainsi Christophe Borgel, chargé des élections au Parti Socialiste. Un argument auquel fait écho la secrétaire nationale UMP Virginie Duby-Muller : "Il y a eu un grand renouvellement des élus. C'est bien car cela nourrit un vivier pour la suite, mais il faut aussi de la stabilité, des gens qui connaissent la maison".
Raisonnement simpliste, clame de son côté Réjane Sénac qui évoque ce constat : "les hommes choisissent de préférence des candidates novices. Pour eux, la prime au sortant, pour elles, une prime... au renouvellement". Même son de cloche chez Chantal Jouanno. Face aux résultats de jeudi, la sénatrice centriste a son explication : "Quand une femme se présente contre un homme pour la présidence d'un exécutif local, on l'achète avec une vice-présidence !". C'est pourquoi le Haut Conseil à l'égalité recommande de "favoriser la parité à la tête des départements et des régions de demain". Mais la sénatrice UDI va plus loin : "Il faut instaurer la parité dans les partis politiques ! C'est le cas dans les fédérations sportives, dans les conseils d'administration, pourquoi pas dans les commissions d'investiture. C'est là que tout se joue", plaide l'élue de Paris.
Si l'absention était encore l'un des grands vainqueurs de ce scrutin, ces élections départementales nous aurons au moins appris une chose : changer les états d'esprit sur la question n'est pas la priorité politique du moment.