C'est une jeune femme bourrée de talent, dont l'histoire et le message doivent absolument dépasser les frontières. Sara Barackzay est la première animatrice professionnelle d'Afghanistan. Emigrée en Turquie pour ses études, elle est rentrée dans son pays il y a peu, comme le retrace The Guardian. Son but : créer une école d'animation pour aider ses semblables à réaliser leurs rêves d'artistes. En attendant, elle dessine. Elle illustre des livres pour enfants, imagine des vêtements, enseigne. Et gagne de multiples récompenses.
Ses oeuvres représentent des visages juvéniles à la Disney, et sont empruntes d'intentions puissantes. De son coup de crayon - digital - transparaît ainsi sa jeunesse, ses craintes, ses espoirs. Tout ce qui fait sa vie passée et présente, dans un contexte politique et social inquiétant (plus de 3 000 civils ont été tué·e·s en 2020 suite aux affrontements entre les insurgés talibans et le gouvernement, rendant la région la plus mortelle au monde, s'alarme l'ONU).
Tout ce qui fait sa condition de femme, aussi, l'un des sujets principaux de son travail - avec la paix, la guerre et les animaux de son enfance.
"Les femmes afghanes essaient tellement - peut-être même plus que les autres - d'atteindre leurs objectifs. C'est l'un des messages que je veux communiquer à travers mon art", détaille-t-elle au Guardian. "J'ai toujours eu de grands rêves, mais me battre pour eux n'a jamais été facile. Les femmes afghanes continuent de faire face à de nombreuses limitations, et gagner ma propre liberté est probablement le plus grand défi que j'ai eu à relever - et c'est un combat qui continue. Je continue à trouver ma voie."
"L'autre objectif" de sa démarche, poursuit Sara Barackzay, c'est de "changer les perceptions sur l'Afghanistan", entachées par des conflits meurtriers et interminables. "Mon pays est plein de gens gentils, de nourriture incroyable et d'une vieille culture, et c'est ce que je veux montrer au monde".
Les ravages de cette période, la jeune Afghane ne les connaît que trop bien. Juste après sa naissance, ses parents fuient la ville d'Herat, située dans une province du nord-ouest, vers un village de la campagne environnante pour échapper aux Talibans.
"La guerre était très présente quand j'étais enfant", se souvient-elle. Ils ne reviendront dans leur maison familiale qu'après l'invasion des Etats-Unis en 2001. C'est là-bas, que Sara Barckzay commence à dessiner. Un refuge pour la fillette qui a perdu l'audition. Elle n'a que 4 ans et n'imagine certainement pas encore qu'elle fera de sa passion son métier.
Grâce à un dispositif adapté, elle réussit à rejoindre ses soeurs à l'école à 8 ans, et à 15 ans, à obtenir une bourse complète pour étudier dans une école d'arts en Turquie. La langue n'est pas une barrière puisqu'elle explique l'avoir apprise en regardant Les Schtroumpfs à la télé, comme l'anglais, l'allemand et l'arabe.
Aujourd'hui, elle enseigne ses compétences à des jeunes femmes afghanes. Une initiative qui ne s'avère pas sans risques. "Je reçois même des menaces à cause de ce que je fais, mais je suis revenue en Afghanistan pour enseigner l'animation à d'autres filles et pour ouvrir un jour une université ici", affirme-t-elle.
Cette semaine, l'AFP révélait par ailleurs la façon dont les talibans considèrent que "les ONG qui sortent les femmes de leur maison au nom de l'indépendance économique, de l'éducation ou du sport (...) ne sont en aucun cas acceptables". Une situation particulièrement alarmante pour les organisations et les citoyennes concernées.
Sara Barackzay se prend à rêver encore : "de faciliter l'avenir d'au moins quelques filles en Afghanistan, et de rejoindre un jour Disney ou Pixar en tant qu'artiste d'animation". Au Guardian, elle précise toutefois : "Mais mon rêve numéro un reste pour mon pays : une paix durable". On ne peut que lui souhaiter.