Rafi Kojayan : Oui. Bien sûr pas à ceux qui vont à la maternelle en petite section, ou encore à la crèche. En revanche, à partir du primaire, ils sont en contact avec de grands enfants qui, eux, ont accès de manière plus large aux médias. Il faut donc aborder le sujet avec eux avant que d'autres ne s'en chargent. Tout dépend aussi de la maturité de l'enfant. Certains, à partir de 3,4 ans, sont très branchés au monde des adultes, ont des antennes partout, sont très réceptifs. Avec ceux-là aussi, il faut ouvrir le dialogue.
R. K. : De manière générale, évitons de regarder les infos à la télévision devant les petits parce qu'on ne sait pas forcément les images qu'on va nous y montrer. Jusqu'à 9-10 ans, donc, mieux vaut les préserver. Après, on peut les regarder mais toujours avec eux. Ils ne doivent pas les regarder seuls.
R. K. : Je vois en consultation des pré-ados qui ont accès seuls à Internet sans contrôle parental. Lorsque c'est le cas, ou qu'on parle d'ados plus âgés qu'on ne peut pas sans cesse tenir par la main, il est très important de prendre du temps à la fin de la journée pour discuter de ce qu'ils ont vu et en faire un débriefing. Parce que l'enfant ne vas pas forcément donner à une image le même sens que celui que vous allez lui donner ni comprendre le contenu qui lui est lié. Que peut-elle soulever chez lui comme représentation ? Vous n'en savez rien. Il y a eu beaucoup d'études là-dessus, menées notamment par Serge Tisseron, qui a fait des recherches sur l'impact de l'image sur l'enfant. Sa recommandation est claire : pas de télé avant trois ans. Et même au-delà, lorsqu'il regarde un dessin animé, l'adulte doit être avec lui pour l'aider à interpréter.
R. K. : Absolument pas ! Pour un enfant de deux ans et demi, même regarder Petit ours brun a un impact. Ca n'est donc, évidemment, absolument pas banal qu'un tout petit voit des images de terrorisme ou de guerre avec ses parents.
R. K. : Plutôt que d'expliquer, je préconiserais de le faire parler, lui. Qu'est-ce qu'il en a compris ? Qu'est-ce qu'il en a retenu ? Quels sont les mots qu'il a gardés ? Ou, mieux, de lui faire dessiner ce qu'il a ressenti ou interprété. Alors, il mettra sur son dessin le sens qu'il en a retenu. Avec un ado, il faut être vraiment vigilant en ce moment, en prenant absolument le temps de se poser avec lui et d'ouvrir un débat. C'est abasourdissant, ce qui se passe. Et il est difficile de se faire une idée, c'est un traumatisme. On n'arrive pas à donner du sens à cela. Or, pour passer du traumatisme à quelque chose qui s'élabore, il faut beaucoup discuter, débattre, ensemble. Et, surtout, laisser venir l'enfant avant de trop dire. Si on part de vous imposez votre vision trop tôt, alors on part de nos questions d'adultes et ça n'est pas constructif.
Oui, il ne faut surtout pas leur dire "n'aie pas peur". Il faut leur dire que c'est normal pour ne pas fermer l'échange. Après, les rassurer, évidemment, leur dire qu'on est là pour les protéger, qu'ils ne sont pas tout seuls. Mais ils doivent sentir qu'ils peuvent partager leur peur et ne pas la garder pour eux. Quand on est enfant, on ne sait pas bien comment le monde fonctionne. Ce genre de situation les effraie donc davantage. Ils s'imaginent que les terroristes peuvent rentrer chez eux, et il y a eu beaucoup de témoignages de parents en ce sens sur Twitter lors des attentats du 13 novembre. "Est-ce qu'ils vont venir chez moi ?" Il faut les rassurer en ce sens, déjà, afin que le foyer reste ce lieu de sécurité inaltérable. Le plus important, bien sûr, étant de ne jamais exprimer sa propre peur d'adulte, si l'on est terrorisé, devant ses enfants. Surtout, il ne faut jamais parler de sa peur à un autre devant les enfants en pensant que ça n'a pas d'importance, ou qu'il n'écoute pas. C'est primordial.