Aweng Ade-Chuol mérite toute votre attention. Top model sud-soudanaise, mais également comédienne et artiste (on a pu notamment la voir dans le fameux et pharaonique Black is King, le Roi Lion façon Beyoncé), la jeune femme de 22 ans a aussi bien posé pour Fenty, la marque de lingerie body positive lancée par la popstar pop-féministe Rihanna, que pour Ralph Lauren. Et ce n'est pas (que) cela qui la rend si remarquable.
Non, son engagement l'est également. Lesbienne, Aweng Ade-Chuol n'hésite pas à revendiquer son identité dans une sphère loin d'être tout à fait inclusive : l'univers de la mode. Et c'est ce qu'elle démontre en prenant la Une de l'édition britannique du magazine féminin Elle. Cette lumineuse couverture met en scène un baiser qu'elle échange en compagnie de sa conjointe, la New-yorkaise Lexy.
"La renommée et le succès n'ont pas toujours été faciles pour Awenge... Jusqu'à ce qu'elle tombe amoureuse", se réjouit la revue.
Un cliché aussi classieux que symbolique donc, imaginé par la photographe Meinke Klein. La mannequin l'explique d'ailleurs à Elle, l'occasion d'un coup de rétro attristé sur l'annonce de son mariage au Kenya en décembre 2019 : "Les gens disaient : 'Comment ose-t-elle épouser une femme?"... Vous ne pouvez pas contrôler ce que les gens disent. Et puis il y avait également les tabloïds et les journaux du pays", déplore-t-elle.
Un choix médiatique puissant, donc.
"Nous nous sommes mariées et le monde entier, littéralement toute ma communauté, souhaitait que je meurs, d'une certaine manière. C'était triste, car c'était le plus beau jour de ma vie, et ils ne pouvaient pas me laisser en profiter'', a poursuivi Aweng Ade-Chuol dans les pages du féminin. Un "climat" qu'elle déplore, et qui, couplé à la pandémie actuelle, a violenté sa santé mentale. La top a même fait une tentative de suicide.
S'ensuivirent des soins intensifs et une longue thérapie, qu'elle poursuit encore aujourd'hui. "Le confinement a eu un impact direct sur ma vie, il l'a mise en danger. Avant, je savais déjà que la santé mentale était importante, mais maintenant, je suis consciente que c'est la chose la plus importante de toutes, le fait de savoir où vous en êtes mentalement", développe-t-elle encore dans le cadre de cette interview sans filtre et forte où s'entremêlent militantisme pour la visibilité des artistes lesbiennes (au Soudan et ailleurs), santé mentale et politique.
Politique, puisqu'Aweng Ade-Chuol relate son tumultueux parcours de vie : enfant, la mannequin a vécu dans un camp de réfugiés au Kenya jusqu'à ses sept ans, avant que sa famille ne parte en Australie. "Elle est passée d'un camp de réfugiés à des campagnes d'affichage aux quatre coins du monde", comme le résume Elle. Une autre source de discriminations s'il en est. Lutter contre la véhémence d'autrui n'est pas la moindre de ses luttes.
La mannequin désire combattre, oui, mais tout en cajolant une vulnérabilité volontiers malmenée. "J'aimerais pouvoir dire : 'Permettez-moi de tenir le flambeau pour toute la communauté LGBTQIA + soudanaise', mais en vérité c'est beaucoup trop à gérer pour une seule personne. Je suis humaine, à la fin de la journée, simplement humaine", témoigne-t-elle. Qu'elle ne s'inquiète pas à ce sujet : avec cette couverture, Aweng Ade-Chuol fait déjà beaucoup.