Si un secteur de l'édition n'a pas souffert du confinement, c'est bien celui-ci. Cahiers de soutien, de vacances, classiques de la pédagogie, en bref tout le parascolaire, a connu un boom de ses ventes dès le début du confinement. Et selon France Inter, le secteur devrait continuer sur sa lancée avec un doublement des ventes de cahiers de vacances estimé cet été.
Après de longues semaines sans pouvoir emmener leurs enfants à l'école, ces livres peuvent avoir un côté rassurant pour les parents. C'est d'ailleurs ce qu'expliquait Rachel Duc, directrice des départements parascolaire et jeunesse chez les éditions Hatier, au HuffPost : "Ces cahiers, écrits par des enseignants, sont extrêmement pratiques car ils rassurent les parents, avec des conseils pour accompagner leur enfant."
Mais est-ce réellement utile, après des semaines de confinement, d'acheter un cahier de vacances à son enfant ? Ne vaut-il mieux pas, au contraire, leur laisser le temps de décompresser après une période difficile à vivre ?
"Il faut d'abord rassurer les parents : tous les enfants ont été confinés et à distance de l'école, donc la rentrée de septembre ne se déroulera pas comme en temps normal. Si des inégalités de connaissances et de compétences ont pu se creuser, tous les élèves auront des manques", affirme Agnès Florin, professeure émérite de psychologie de l'enfant et de l'éducation à l'université de Nantes, contactée par Le HuffPost.
Par ailleurs, les enfants ont besoin, peut-être plus encore que d'habitude, de relâcher la pression. "Ils ont été stressés, avec des parents très inquiets. Pendant ces vacances, ils ont besoin de courir, d'aller dehors, d'oublier le stress ambiant", estime auprès du HuffPost Catherine Verdier, psychologue et psychothérapeute. "Je crois que ce dont ils ont besoin, c'est de s'évader", ajoute-t-elle. À ce titre, Agnès Florin travaille sur un projet sur le bien-être des élèves en période de déconfinement et confinement.
En temps normal déjà, l'utilité et l'efficacité des cahiers de vacances sont parfois remises en cause. "Il ne faut pas croire que ces exercices vont permettre aux enfants de combler des lacunes accumulées dans l'année. Rien ne remplace un enseignement classique", soulignait par exemple un professeur d'histoire-géo dans un collège de Seine-et-Marne, contacté par Franceinfo.
Agnès Florin est aussi de cet avis : "Le cahier de vacances permet de travailler des choses déjà vues en classe, de prolonger et vérifier ce que l'on sait déjà, pas plus. Un cahier de vacances n'a jamais permis de remplacer l'école, et ce ne sera pas plus le cas cette année que les précédentes."
D'autant plus que, selon une étude réalisée par le ministère de l'Éducation nationale publiée en 2005, ce sont surtout les bons élèves, plus que ceux qui pourraient en avoir besoin, qui utilisent les cahiers de vacances.
Claire Leconte, professeur émérite de psychologie de l'éducation, tempère néanmoins. "Les enfants vont avoir besoin beaucoup de s'ouvrir sur l'extérieur, mais aussi de se rassurer sur les connaissances qu'ils ont", souligne-t-elle, contactée par Le HuffPost. "Il faut aussi rassurer les parents, ils ne doivent pas croire que des tas de lacunes se sont installées. Il est simplement important de leur proposer des activités qui vont mobiliser ces connaissances", poursuit-elle.
Elle n'est donc pas contre les cahiers de vacances, à condition que ceux-ci mènent de réelles réflexions pour réactiver des connaissances, comme celui conçu par l'Académie de Lille pour le secondaire, qu'elle recommande.
Par ailleurs, il existe mille autres manières d'instruire son enfant, de lui faire découvrir et apprendre sans passer par ces cahiers. "Pendant les vacances, on peut découvrir autrement, à travers des activités nouvelles ou tout simplement différentes", estime ainsi Catherine Verdier.