Lundi 3 juin, une commission d'enquête (ENFFADA) a rendu un rapport alertant sur la situation des femmes autochtones au Canada. L'étude menée sur ces deux dernières années dénonce un "génocide" auprès des Premières nations (5 % de la population canadienne, soit 1,7 million de personnes), appuyant ses propos sur le nombre de femmes disparues et assassinées qui en sont issues. Les auteurs seraient des membres de toutes ethnies, comme l'indique Le Monde, parfois faisant partie de leurs proches, des inconnus ou des tueurs en série. Et rarement arrêtés.
D'après les travaux, la raison de ces violences sexistes et conjugales est due aux "actions et inactions de l'Etat qui trouvent leurs racines dans le colonialisme et les idéologies connexes, reposant sur une présomption de supériorité", comme elle a été présentée lors d'une cérémonie en présence de Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, et des familles des victimes, à Gatineau.
Si la police recense 1017 cas de femmes amérindiennes ou inuits assassinées en 20 ans, l'ENFFADA, qui a recueilli 2000 témoignages, estime quant à lui le bilan de meurtres et de disparitions à plusieurs milliers, précisant que "nul ne sait leur nombre exact", comme le déplore la commissaire en chef Marion Buller.
"Malgré des circonstances et des contextes variables, tous les meurtres et disparitions ont en commun la marginalisation économique, sociale et politique, le racisme et la misogynie, qui font partie intégrante du tissu social canadien", ajoute-t-elle, précisant que les femmes autochtones sont 12 fois plus exposées à la violence que les autres femmes du pays.
Mentionné 120 fois dans le rapport, le mot "génocide" a suscité de vives réactions au sein de la classe politique canadienne. Le Premier ministre québécois François Legault a qualifié son utilisation d'"exagération", le parti d'opposition conservateur a défini l'enquête de "rapport propagandiste", comme l'indique Franceinfo.
Après avoir déclaré qu'il s'agissait d'"un jour inconfortable pour nous tous, mais un jour essentiel", et promettant que "ce rapport ne sera pas enterré", le Premier ministre canadien Justin Trudeau a finalement accepté le terme "génocide" pour qualifier les meurtres et disparitions ciblés des femmes autochtones.
"Nous acceptons les conclusions des commissaires de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles disparues et assassinées, notamment en ce qui a trait au génocide", a-t-il exprimé mardi 4 juin en marge de la conférence Women Deliver 2019, à Vancouver, selon Radio Canada.
Il dénonce également cette "tragédie qui dure depuis des décennies, des générations" et promet un plan d'action. "Notre accent ne doit pas porter sur un débat sur les mots, mais sur les actions concrètes que nous allons [poser] en tant que pays pour mettre fin à cette situation", a assuré le Premier ministre.
Un terme accepté donc, mais pas reconnu, comme l'a rapidement précisé son cabinet lors d'un communiqué rapporté par le média canadien : l'"acceptation du choix des commissaires" ne "veut pas dire [que Justin Trudeau] l'endosse ou qu'il le reconnaît". Il s'agirait donc, comme le poursuit le cabinet, de rappeler que l'objectif consiste à parler des solutions permettant de mettre fin aux violences contre les femmes autochtones, plutôt que de se concentrer uniquement sur le sens d'un mot.
De leur côté, les commissionnaires de l'ENFFADA ont parlé d'"une journée très importante sur le chemin de la Vérité et de la Réconciliation", poursuivant que "L'acceptation, par le gouvernement fédéral, de nos conclusions de fait, tout particulièrement celle portant sur le génocide, constitue une acceptation des vérités partagées par les familles et les survivantes de la violence".
Le rapport contient également 261 recommandations d'actions autant sur le terrain judiciaire que social, préconisant par exemple la formation d'un groupe de policiers indépendants dédié à la réouverture des dossiers de meurtres ou de disparitions de ces femmes. Ou encore une amélioration de l'accès à la santé, à l'éducation et au logement, ainsi que la reconnaissance des langues autochtones comme langues officielles.