La "grande gagnante". C'est ainsi que le Washington Post a présenté Carly Fiorina au lendemain du débat diffusé mercredi 16 septembre sur CNN qui l'opposait à 16 autres candidats républicains.
Seule femme en lice pour l'investiture républicaine, Carly Fiorina, 61 ans, a bluffé ceux qui pariaient sur une victoire sans combat de Donald Trump. Éloquente, pugnace et "pertinente" selon le site Politico, la candidate républicaine est la seule à avoir tenu tête au multimilliardaire arrogant et misogyne durant les trois heures qu'a duré ce grand débat télévisé qui se tenait à bibliothèque Ronald Reagan, située en Californie.
Pourtant, nombre de commentateurs politiques s'attendaient à une victoire écrasante de Donald Trump lors du débat. Largement en tête dans les sondages, l'homme d'affaires à la mèche folle et à la saillie mordante ne s'était visiblement pas attendu à trouver face à une adversaire à la rhétorique aussi affutée. Il aurait pourtant dû s'y préparer.
En hausse dans les sondages d'opinion depuis le mois d'août, Carly Fiorina avait visiblement bossé sa répartie pour contrer Donald Trump et n'a pas hésité à se payer sa tête en direct lorsque ce dernier s'est aventuré sur le terrain de l'insulte physique. Selon Rolling Stones, il avait ainsi déclaré à propos de Fiorina : "Regardez ce visage ! Qui va voter pour ça ? Est-ce que vous arrivez à imaginer que ça, ce soit le visage de notre prochaine présidente ? [...] Alors oui je sais, c'est une femme, je n'ai pas le droit de dire des mauvaises choses, mais franchement les gars. Est-ce bien sérieux ?"
Interrogée par le présentateur Jake Tapper sur les insultes proférées par Trump, Carly Fiorina, sourire en coin, a répliqué : "Je pense que toutes les femmes du pays ont clairement entendu ce que Monsieur Trump a dit", déclenchant un tonnerre d'applaudissements dans l'assistance. Décontenancé d'enfin trouver une adversaire qui a de la répartie, Donald Trump s'est contenté de déclarer pour sa défense qu'il trouvait que Carly Fiorina "avait un visage magnifique". "Et je trouve qu'elle est une femme magnifique !", a-t-il déclaré.
Mais ce n'est pas le seul moment du débat où Carly Fiorina a marqué des points au détriment des 16 autres candidats à l'investiture républicaine. "Fiorina était incroyablement brillante, bien informée, et a donné autant, voire bien plus que l'intimidateur en chef Donald Trump", note Politico.
Particulièrement bien préparée aux questions de politique étrangère, la candidate à l'investiture républicaine s'est démarquée de Donald Trump en se montrant ferme sur les relations diplomatiques qu'entretiennent les États-Unis et la Russie – "Je ne parlerais pas à Vladimir Poutine, nous lui avons déjà beaucoup trop parlé" – et critiquant l'accord nucléaire passé avec l'Iran.
Elle ne s'est pas démontée quand son adversaire l'a attaquée sur son bilan "désastreux" à Hewlett-Packard lorsqu'elle en était directrice générale. Congédiée en 2005 par le conseil d'administration après qu'elle eut procédé à 30 000 licenciements, Carly Fiorina a rappelé à Donald Trump qu'il n'avait pas de leçons à lui donner en matière de business, lui dont les trois casinos situés à Atlantic City ont fait faillite "à quatre reprises". "Comment pourrait-on penser que vous allez gérer les finances de cette nation différemment de la manière dont vous avez géré vos casinos ?", lui a-t-elle lancé.
Combative, Carly Fiorina a aussi su émouvoir lors du débat télévisé en évoquant sa fille, décédée des suites de son addiction à la drogue. "J'espère que je suis la seule sur ce plateau à pouvoir dire ceci, mais je sais que des millions d'Américains diront la même chose : mon mari Frank et moi, nous avons perdu un enfant à cause de la drogue."
Pour autant, l'aptitude de Carly Fiorina à fermer le caquet de Donald Trump et sa punchline en faveur des femmes ne doivent pas faire oublier ses positions ultra-conservatrices en matière de politique intérieure. Favorable à une politique globale plus stricte en matière d'immigration, elle courtise aussi la frange religieuse du parti républicain en se prononçant contre l'avortement et le mariage gay. Elle se dit également opposée à la systématisation du congé maternité rémunéré aux États-Unis et pour une réforme de l'ObamaCare. Ce qui ne l'empêche pas de se réclamer du féminisme sur chaque plateau télévisé où elle est invitée, laissant parfois ses interlocutrices un peu décontenancées et dubitatives.