Il y a quelques mois, l'athlète sud-africaine Caster Semenya, double médaillée d'or olympique et triple championne du monde du 800 mètres, faisait les gros titres pour une raison autre que ses victoires : son taux de testostérone trois fois plus élevé que la moyenne des autres athlètes. On appelle cela l'hyperandrogénie. Une disposition génétique qui, si on en croit la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), l'empêcherait de concourir avec les femmes, à moins qu'elle ne suive un traitement pour diminuer cette dose naturelle.
En février dernier, Caster Semenya décidait donc de déposer un recours devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne pour faire invalider ce règlement de l'IAAF. Elle souhaitait courir comme elle est, et s'élever contre cette injonction qui la forçait à se battre pour justifier son genre.
Ce mercredi 1er mai, le TAS a rendu son jugement et a débouté Caster Semenya. Et si Matthieu Reeb, secrétaire général du tribunal, avoue qu'il s'agit d'un règlement discriminatoire, il ajoute cependant qu'"une telle discrimination était un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné pour obtenir des résultats satisfaisants. L'objectif de l'IAAF consistant à préserver l'intégrité de l'athlétisme féminin dans certaines épreuves de piste de compétitions internationales allant de 400 m à 1 mile".
Anaïs Buhuon, professoresse des universités et spécialiste du genre et du sport, s'est exprimée, "scandalisée" sur le sujet lors d'un entretien avec LCI.
Pour elle, il s'agit également de sexisme pur : "Cette décision est une attestation de la domination masculine et du sexisme : une femme n'a pas le droit d'exceller", affirme-t-elle. "Cela renvoie aux injonctions paradoxales, apparues dès la fin du 19e siècle, où on a accepté que les femmes mettent leur corps en mouvement pour en faire des mères robustes et fortes. Mais surtout, il fallait qu'elles ne soient pas trop fortes, qu'elles ne soient pas dans la compétition et qu'elles ne mettent pas en danger leurs organes reproducteurs".
Anaïs Buhuon ajoute également qu'il est "reconnu que cette prise de médicament qu'on réclame aux athlètes hyperandrogènes peut être dangereuse."
Sur Twitter, Caster Semenya a récolté énormément de soutien, et a elle-même témoigné sur le réseau social que "parfois, la meilleure réaction est de ne pas réagir".
Heureusement, si le TAS a rejeté le recours de l'athlète, il a cependant exprimé de "de sérieuses préoccupations au sujet de la future application pratique de ce règlement", comme l'indique LCI. Il aurait ainsi demandé à la fédération de le revoir sur trois points majeurs, ciblant la difficulté d'appliquer un seuil de taux de testostérone à ne pas dépasser, celle de prouver un véritable avantage chez les athlètes hyperandrogènes sur les distances du 1500 mètres et du mile, et questionne les effets secondaires du traitement.