Ce n'est plus vraiment un secret : avec leurs voisins les Danois, les Suédois sont régulièrement couronnés peuple "le plus heureux d'Europe", notamment au travail . En 2014 encore, une étude menée par la société de conseil Actinéo louait la qualité de vie au travail des Suédois, toujours heureux de se rendre au bureau le matin.
Est-ce en raison du taux de chômage qui plafonne à 8% – l'un des bas d'Europe –, de l'abondance des salles de pause dans les entreprises ou de leurs 30 heures de travail hebdomadaires ? Peut-être bien.
Mais, selon les chercheurs, la clé du bonheur au travail en Suède est en réalité plus simple que ça, et se résume à un mot de 4 lettres typiquement suédois : fika.
Désignant à la fois la pause-café dont raffolent les Suédois et l'action de boire du café elle-même, fika est plus qu'une tradition en Suède : c'est une mentalité et une culture à part entière. Comme les Britanniques qui stoppent tout à 17 heures pour déguster des scones accompagnés d'une tasse de thé, les Suédois aiment se retrouver une première fois vers 10 heures du matin, puis une seconde fois vers 15 heures pour siroter une grande tasse de café, breuvage dont ils sont les 3e plus gros buveurs au monde.
Moment convivial à partager entre collègues, fika est le rituel social suédois par excellence. Pendant que l'on boit sa tasse de café filtre accompagnée d'un Kanelbulle – ces petits pains à la cannelle à tomber par terre – on ne parle ni de la prochaine réunion à booker, ni de la stratégie clientèle à adopter. À la place, on sociabilise et on échange des anecdotes sur notre vie ou nos prochaines vacances. Bref, on se détend en laissant, du moins pendant quelques minutes, ses soucis de boulot de côté. "C'est un moment où vous faites un break, souvent avec une tasse de café, mais aussi avec du thé, que vous partagez avec une pâtisserie", explique à Quartz Anna Brones, auteure du livre Fika : The Art of The Swedish Coffee Break (2015). Contrairement aux autres pays occidentaux, et particulièrement aux États-Unis, où l'on avale sa tasse de café sur le chemin du boulot ou devant son ordinateur, "en Suède, la pause-café est attendue avec impatience, c'est un moment où tout le reste s'arrête et que l'on savoure".
Mais fika ne se contente pas d'être un moment convivial à partager avec ses collègues devant une tasse de café et un assortiment de pâtisseries. Ce serait, selon les Suédois eux-même, la clé de leur bien-être au travail.
Entrepreneur suédois installé à New York, Lars Åkerlund est convaincu des bienfaits du fika. "A New York, tout le monde est pressé, et prend son café à emporter, il n'y a jamais de moment de calme. C'est là où je me suis dit que le 'moment fika' serait un succès ici", raconte-t-il à Quartz. Il a donc ouvert outre-Atlantique une chaîne de cafés nommée d'après la sacro-sainte pause-café suédoise et c'est un succès. "Les pauses fika deux à trois fois par jour nous rendent plus productif et efficace", affirme Lars Åkerlund.
Les chercheurs lui donnent d'ailleurs raison. Professeure à l'Université de Linköping, Viveka Adelsward s'est penchée sur l'histoire des rituels sociaux suédois et a en effet constaté que la pratique de fika sur le lieu de travail boostait la productivité des salariés. "Plusieurs études ont démontré que les personnes qui prennent une pause au travail n'en font pas moins, écrit-elle sur son blog hébergé sur le site de l'Université. C'est même le contraire : l'efficacité au travail se nourrit de ce genre de rencontres." Et le fika a effectivement l'air d'avoir un impact positif sur la productivité des salariés : selon le dernier baromètre Better Life Index de l'OCDE, seuls 1% des employés Suédois font des heures supplémentaires.