Qui a mieux compris Isabelle Huppert que Claude Chabrol ?
Présidente de la Mostra de Venise, l'immense Isabelle Huppert profite aujourd'hui de ce prestigieux contexte pour rappeler l'amour profond qu'elle voue toujours à son âme frère de plateau. Deux artistes qui n'ont eu de cesse de se suivre, s'enrichir, s'apporter mutuellement trois décennies durant.
Le réalisateur de Violette Nozières, Une affaire de femmes, La cérémonie, Merci pour le chocolat, L'ivresse du pouvoir, a conféré à Isabelle Huppert mille et uns visages : assassine, indignée, militante, antagoniste, figure de justice ou d'ambivalence assumée...
Dans les pages de Vanity Fair Italie, elle l'affirme d'ailleurs avec beaucoup de tendresse : "Claude Chabrol était à sa manière un réalisateur féministe...". Mais pourquoi, féministe ? On a une petite idée sur le sujet. Mais c'est Isabelle Huppert qui répond...
Chabrol, féministe ?
Assurément. On écoute Isabelle Huppert : "Chabrol s'est toujours intéressé aux comportements des femmes et à leur condition, sans les victimiser ni les idéaliser. Et moi je pense que le cinéma est un outil formidable pour explorer la complexité de l'humain, et particulièrement des femmes !"
On pourrait marcher sur ses pas en y allant de nos observations : chez Chabrol, Huppert n'est jamais la même. Icône trouble dans Merci pour le chocolat, où elle interprète une femme silencieuse à la fausse candeur dont l'on aurait peut être raison de se méfier, prolétaire au parler savoureux et aux gestes pour le moins... radicaux, dans le très très noir La cérémonie (où elle côtoie une Sandrine Bonnaire elle aussi au firmament), épouse au foyer esseulée aidant ses concitoyennes à avorter dans Une affaire de femmes, femme fatale exquise dans la méconnue comédie Rien ne va plus, juge seule contre tous dans L'ivresse du pouvoir...
En fait, le cinéma de Claude Chabrol, comme celui de Claude Lelouch, est un cinéma d'actrices avant toute chose. Huppert certes mais aussi Stéphane Audran, Emmanuelle Béart (dans L'enfer, histoire cauchemardesque d'un féminicide), Laura Smet... Toutes les femmes témoignent d'une complexité bien réelle chez Chabrol, d'une forme de supériorité psychologique, émotionnelle, indéniable.
Et la comédienne Césarisée de développer avec éloquence : "Je pense avoir toujours été féministe, même sans le savoir. Je crois qu'aujourd'hui, il est impossible de ne pas être féministe, c'est-à-dire de donner aux femmes la place qui leur revient... Je ne crois pas avoir jamais été une muse. Mes collaborations ont toujours été équitables, des rapports intéressants et forts avec des cinéastes"
"Pour moi, le seul travail qui vaut est un travail d'équipe"