C'est l'information qui a fait trembler les RH cette semaine : Richard Branson, PDG « cool » de Virgin et accessoirement milliardaire a annoncé dans une note de blog dans laquelle il reprend des extraits de son livre Virgin Way que ses employés auraient désormais droit de prendre autant de jours de congés qu'ils le souhaitaient, sans en référer à leurs supérieurs hiérarchiques. Une seule contrepartie est exigée : qu'ils soient à jour dans leurs dossiers et projets.
« La flexibilité du travail a révolutionné notre manière de faire notre boulot, notre lieu et notre temps de travail », explique Richard Branson. « C'est aux employés de décider seuls des heures, jours, semaines ou mois qu'ils veulent prendre, le présupposé étant qu'ils ne le feront que s'ils sont assurés à 100% qu'ils sont, eux et leur équipe, à jour de leurs projets et que leur absence ne nuira pas à l'entreprise, et donc à leur carrière. »
Pour le moment uniquement réservée aux cadres de Virgin, cette mesure pourrait bien s'étendre à l'ensemble des employés si elle s'avère probante. « Si cela se passe aussi bien que l'on s'y attend, nous encouragerons toutes nos filiales à suivre le même modèle, ce qui sera incroyablement excitant à observer », affirme Branson.
Aussi séduisant qu'il soit sur le papier, le principe des congés illimités risque néanmoins de montrer rapidement ses limites. Le risque ? Qu'il désorganise les rythmes de travail et encourage les employés à une auto-exploitation. Persuadés de ne jamais avoir achevé les missions qu'on leur a confiés, les salariés un peu trop zélés risquent fort de ne jamais goûter aux joies des vacances illimitées. Une dérive que note Thierry Rousseau, chargé de mission à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Dans un article de Rue89 paru en 2013, il souligne les dérives du système « congés contre objectifs », expérimenté au Japon dans les années 80-90. « Pour ne pas nuire aux objectifs d'ensemble, les individus étaient parfois forcés à renoncer à leurs droits à s'absenter pour maladie et même à des congés. Le groupe joue ici comme un aiguillon obligé à la présence. C'est le collègue qui prescrit la charge de travail et, en pratique, il est plus difficile de lui résister qu'à un agent de maîtrise. Le travail est collectif et c'est Le groupe qui se régule. On peut dire que ce sont des systèmes qui favorisent une certaine auto-exploitation. Le risque, c'est évidemment l'épuisement par l'hypersollicitation. »
De plus en plus répandu dans les entreprises américaines, le principe des congés illimités risque fort de ne jamais être importé en France puisque seuls les cadres dirigeants seraient concernés. « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement », stipule en effet l'article 3331-2 du Code du Travail.
« En France, le nombre de congés est fixé par la loi, et peut être augmenté par les conventions collectives. Ces repos ont été instaurés pour préserver la santé. C'est donc à l'employeur de veiller à ce qu'ils soient bien pris. Un tel système de "vacances illimitées" n'est donc pas possible », confirme à Rue89 l'avocat en droit social Stéphane Béal.