Crise sanitaire, économique et sociale, le coronavirus met en évidence bien des inégalités et des discriminations au sein de notre société - inégalités de classes, mais aussi de genres. Les incidences des confinements sur la charge mentale des femmes - au foyer, ou en télétravail - ont volontiers été démontrées. Aujourd'hui, cette indéniable "charge à domicile" qui divise les genres demeure une interrogation tristement actuelle.
Normal : un nouveau rapport de l'ONU dévoile des statistiques alarmantes. 60% des femmes interrogées à travers le monde déplorent l'augmentation de leur temps dédié aux tâches ménagères depuis le début de la pandémie, contre seulement 54% des hommes, et tout aussi nombreuses sont celles à s'attrister de leur "temps considérable" passé à faire le ménage (45 %) et la cuisine (32 %), bien plus que leurs homologues masculins - 35% d'entre eux affirment s'occuper des tâches ménagères, 18 % cuisiner davantage.
Des fossés nets et, hélas, pas si étonnants. En avril dernier, l'ex-secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes/hommes Marlène Schiappa alertait déjà l'opinion publique quant à "l'épuisement silencieux" des femmes durant le confinement. Epuisement "à domicile", mental et physique, privé et professionnel... Les femmes ressortent de cette année 2020 essorées.
Elles sont également plus durement touchées par la crise économique. L'ONU Femmes note ainsi que l'épidémie de Covid-19 "a poussé un plus grand nombre de femmes (28 millions) que d'hommes (24 millions) à quitter entièrement le marché du travail, dans 55 pays aux revenus moyens ou élevés à travers le monde", comme le souligne RTL.
La pandémie serait-elle en train de créer une large régression sociale ? Un retour en arrière pour les femmes, condamnées à s'épuiser au foyer ? Oui, selon Anita Bhatia, la directrice exécutive adjointe de l'organisation ONU Femmes : "Tout ce pour quoi nous avons tant lutté pourrait être perdu en un an. On risque d'en revenir aux stéréotypes de genre des années 50".
Un angoisse légitime durant cette période où les femmes s'occupent davantage des tâches ménagères mais aussi des soins portés à leur famille. "Plus alarmant, de nombreuses femmes ne reviennent pas forcément à leur vie professionnelle. En septembre, aux États-Unis, 865 000 d'entre elles ont abandonné la 'population active' contre 200 000 hommes", décrypte encore Anita Bhatia.
La faute à quoi ? "Au fardeau des soins" (accordés aux enfants notamment) majoritairement pris en charge par les femmes. Derrière sa dimension sanitaire, la crise du coronavirus pourrait donc faire beaucoup de mal à l'émancipation féminine, à la fois professionnelle et financière.
Et pas besoin de grands discours pour le comprendre, il suffit simplement de s'attarder sur le quotidien des citoyennes. La BBC a ainsi demandé à plusieurs femmes à travers le monde - du Japon et de la Bolivie entre autres - de tenir un journal de bord pour y décrire leur quotidien. Toutes confirment que la pandémie n'a fait qu'accroître une inégale répartition des tâches déjà indéniable dans le "monde d'avant". "J'ai atteint ma limite tous les jours, ma fille pleurait et mois aussi je pleurais. Je n'ai pas le luxe de pouvoir entrer dans une pièce et me concentrer sur son travail", témoigne l'une d'elles.
Dur constat pour l'égalité des sexes et pour la santé mentale des femmes, en chute libre. "Avec cette augmentation de la charge de travail, nous avons constaté des effets inquiétants sur les femmes, notamment des niveaux élevés de stress", déclare à ce titre Papa Seck, statisticien en chef à ONU Femmes. On ne sait pas encore vraiment quel sera le visage du "monde d'après" mais ce qui est certain, c'est qu'il gagnerait à être plus révolutionnaire.