Le dilemme est commun. Un·e ami·e, un membre de notre famille, quelqu'un·e à qui on tient, ne va pas bien. On le sait, même s'il·elle ne se livre pas entièrement à nous. Ce ne sont parfois pas ses mots qui nous inquiètent, mais un comportement perturbé qui trahit son mal-être ponctuel, voire plus installé. Ce qu'il lui faudrait, on en est persuadé·e, c'est une aide professionnelle.
Un espace sûr, où notre proche puisse se confier, raconter ses maux, loin d'un jugement que son entourage profère souvent sans s'en rendre compte. Obtenir des solutions de la part d'un·e praticien·ne qui saura le·la guider tout en respectant sa sensibilité, et en identifiant clairement la source des problèmes qui le·la rongent un peu chaque jour.
Seulement voilà, aborder la conversation reste délicat. Par pudeur, par honte ou simplement par refus d'accepter qu'il·elle a besoin d'aide, prendre un rendez-vous chez un·e psy peut s'avérer un véritable parcours du combattant pour le·la principal·e intéressé·e (seule une personne sur trois demanderait de l'aide spontanément, quand 75 % des personnes souffrant d'anxiété y feraient l'impasse). Et ledit rendez-vous peut être encore plus compliqué à accepter quand il est suggéré par une personne loin d'être lambda.
"Malgré tous nos progrès, il y a encore beaucoup de stigmatisation à recevoir des soins de santé mentale professionnels", explique en ce sens Judy Ho, neuropsychologue clinique et médico-légale, à Mel Magazine. "Nous utilisons encore des mots comme 'fou' pour décrire les personnes atteintes de maladies mentales, et les gens pensent qu'il n'y a aucune raison de suivre une thérapie si vous n'êtes pas aux prises avec un problème mental grave. Bien sûr, ce n'est pas le cas". Mais ça, difficile de le faire comprendre à l'autre.
Par où commencer ? Comment amener la discussion sans blesser, ni affecter sa confiance en soi et en notre lien ? Voici donc quelques clés qui pourront nous aiguiller.
Ça peut sembler évident, mais mieux vaut le préciser : on évite de lancer le sujet devant du monde. "Suggérer une thérapie est un sujet sensible et rendre un proche mal à l'aise ou embarrassé devant d'autres personnes ne peut que compliquer encore les choses", prévient Brandi Lewis, thérapeute, au HuffPost US.
Elle recommande plutôt d'avoir une conversation en tête-à-tête, "idéalement lorsque le problème se pose, de sorte que la personne concernée puisse éventuellement voir votre inquiétude au lieu de parler du problème au passé". Sinon, on risque de lui faire comprendre - à tort - qu'on a passé du temps à penser à son cas en négatif, et pire : qu'on en a parlé à d'autres personnes en son absence. Une façon de prouver - si nécessaire - notre bienveillance et le bien fondé de nos motivations.
D'ailleurs, certaines formulations peuvent nous faciliter la tâche. Des phrases comme celle-ci, par exemple, énumérée par le média américain : "Je suis là pour t'écouter autant que tu le souhaites, je te soutiens, mais peut-être qu'un·e expert·e saura davantage t'aider à trouver les solutions pour aller mieux ?".
Au lieu d'insister sur son cas à lui ou elle, on évoque l'exemple d'un·e ami·e qui s'est rendu·e chez un·e psy. Voire notre propre vécu. Un moyen de lui empêcher de se sentir exclu·e et qui, à l'inverse, lui permettra de réaliser que la thérapie est quelque chose de courant qui aide véritablement à aller mieux : nous (ou l'un·e de vos proches) en sommes la preuve.
"Faites-leur savoir que vous avez suivi une thérapie à un moment où les choses étaient difficiles, et que cela vous a beaucoup aidé. Ou mentionnez que vous y avez pensé vous-même - si c'est vrai", invite en ce sens Judy Ho. "Cela leur donnera l'impression que vous ne les jugez pas parce que vous avez vous-même suivi le même processus et que vous l'avez trouvé utile". Ou comment lui montrer qu'avoir recours à des soins psychologiques est commun, et dans de nombreux cas, salutaire.
Le premier pas est souvent le plus difficile. Choisir à qui faire confiance, un horaire opportun. Une fois passées la porte du spécialiste et la séance initiale, les craintes s'évaporent souvent, et le rituel s'inscrit plus aisément dans l'emploi du temps. Il peut donc être judicieux de lui offrir de prendre un rendez-vous avec un·e praticien·ne qu'on nous aura recommandé·e.
"Il est important que votre proche se sente à l'aise avec le thérapeute qu'il voit afin qu'il n'ait pas d'excuses pour abandonner", indique à son tour Christie Jenkins, conseillère américaine. Elle énumère quelques questions à lui adresser : "Demandez-lui à quoi ressemble son thérapeute idéal. Veut-il/elle voir un homme ou une femme ? Une personne plus âgée ou plus jeune ? Un thérapeute spécialisé dans certaines conditions ?" Prendre les devants tout en suivant ses besoins, ses envies, et en l'intégrant à notre recherche.
La neuropsychologue Judy Ho déconseille fortement d'imposer notre vision des choses, et avise plutôt d'utiliser la technique psychologique de l'entretien motivationnel.
"Vous essayez de provoquer une dissonance cognitive lorsqu'ils remarquent qu'il y a un problème non résolu dans leur vie et qu'ils n'aiment pas la façon dont cela se passe", développe-t-elle. "A partir de là, vous leur demandez la permission de faire quelques suggestions. Les gens n'aiment pas se sentir obligés et ils aiment croire que les décisions leur appartiennent. Cette méthode est donc extrêmement efficace".
Si malgré tout, notre ami·e, frère, soeur, collègue refuse catégoriquement notre aide, alors on n'insiste pas. On est là pour l'encourager, normaliser la thérapie, et surtout pas l'obliger à suivre un traitement en restant sourd·e face à ses peurs et ses refus. D'ailleurs, en lui laissant du temps, nos suggestions ont de bonnes chances de s'imprimer petit à petit dans son esprit.