En 1971, Jane Evelyn Atwood a tout juste 24 ans quand elle s'installe à Paris. Elle débute son premier reportage en allant photographier de jeunes aveugles dans différentes écoles. Dès lors, elle pose les jalons de ce qui fera sa spécificité. Chaque série de photos lui demande une longue période d'immersion, pour étudier et se rapprocher de ses sujets, dans le but d'en tirer des photographies sincères, intimes et vraies.
Que ce soit lors de ses reportages photo dans les écoles d'aveugles, en Haïti, dans les pénitentiers de femmes ou dans les hôtels de passe de la Rue des Lombards, le but de la photographe est toujours le même : permettre à ceux que nous cachons délibérément d'exister; quitte à passer un an auprès des prostituées de la Rue des Lombards, ou une décennie à courir les pénitentiers de femmes pour délivrer leur quotidien, leurs douleurs, au monde.
Plus qu'une fenêtre sur des univers que nous aimerions occulter, Jane Atwood offre une vraie étude sociologique. Dans le cas des femmes détenues, la photographe a réuni des poèmes, des créations, des lettres de ces prisonnières et nous livre également le résultat de ses entretiens avec ces femmes. Une conclusion : la grande majorité d'entre elles ont été victimes d'agressions sexuelles dans leur enfance.
Fidèle à la carrière de Jane Evelyn Atwood, on trouve au coeur de l'exposition présentée à la Maison Européenne de la photographie, l'humain. Et c'est parce que la photographe se sent responsable, qu'elle passe tant de temps à montrer cet être humain, fragile, principalement quand il est mis en marge de la société.
C'est exactement le sujet de son reportage "Jean-Louis - Vivre et Mourir du SIDA". En 1987, Jane Atwood s'intéresse à cette maladie nouvelle et honteuse : le sida. "Mon but était de donner un visage aux personnes atteintes et combattre les idées fausses qui couraient sur le sida." Alors que personne en France, ni même en Europe n'a jamais vu un séropositif, la photographe va suivre la vie de Jean-Louis pendant quatre mois, à son domicile, à l'hôpital, jusqu'à sa mort. Le reportage publié dans Paris Match fera alors le tour du monde.
Les noirs et blancs saisissants, ses jeux délibérés avec la lumière éclairent ou terrent dans l'ombre ces êtres que nous choisissons de cacher, de ne pas voir.
Un sentiment de malaise, de gêne se fait très vite sentir face aux galeries de portraits de mutilés ou de femmes détenues. Jane Atwood justifie : "On se sent voyeur, mais il faut le faire. Ce ne sont pas les photos qui sont choquantes, mais c'est le fait que ça existe qui est choquant."
INFOS PRATIQUES
Jane Evelyn Atwood – « Photographies 1976-2010 »
Jusqu’au 25 septembre 2011 à la Maison européenne de la photographie
5/7, rue de Fourcy – 75004 Paris Tél. : 01 44 78 75 00
Ouvert tous les jours de 11h à 20h sauf les lundi, mardi et jours fériés
Entrée : 7 / 4 €
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