"J'ai fabriqué l'article que vous allez acheter, mais je n'ai pas été payé pour cela". Ce message, glissé dans la poche de plusieurs vêtements Zara en vente en Turquie, est "signé des ouvriers de l'usine de textile Bravo" d'Istanbul. Partagé sur les réseaux sociaux par les commerçants turcs, ce qui semble être le dernier recours de plusieurs employés désemparés a été relayé dans le monde entier. "Nous n'avons reçu ni nos trois derniers mois de salaires, ni nos primes d'ancienneté. L'usine, elle, a été fermée en l'espace d'une nuit", expliquent-ils. "S'il vous plaît, dites à Zara de nous payer".
Le géant mondial du textile espagnol, qui a engrangé un bénéfice net de 3,16 milliards d'euros en 2016 (soit une hausse de 10%), s'enrichit avec une progression de 63% (entre 2010 et 2015) tandis que les salariés de son sous-traitant turc Bravo Tekstil s'appauvrissent. Comme le souligne un correspondant de Libé, 140 ouvriers ont été brusquement mis à la porte après la fermeture non-annoncée de l'usine, le 25 juillet 2016.
Sans représentant direct pour faire valoir leurs droits, les employés déchus se sont tournés vers le syndicat Disk Tekstil. Selon son président Asalettin Arslanoglu, la responsabilité revient à l'enseigne de prêt-à-porter qui feint en Europe le bon traitement de ses ouvriers étrangers, alors qu'à Istanbul, la réalité est toute autre. "Ici, les petits patrons sont submergés par les commandes de ces grands groupes qui veulent toujours plus de produits de qualité, à bas coût. Cela se répercute donc logiquement sur les employés et leurs conditions de travail", explique-t-il, cité par Libé.
Accusée par le passé de ne pas respecter l'environnement, d'exploiter des enfants, de sous-payer ses employés étrangers et de négliger leurs conditions de travail, Zara peine à redorer son blason. Déployée dans 7300 magasins à travers le monde, la marque cache pourtant quelques cadavres dans ses placards.
Une enquête de la BBC, rendue public en 2016, révélait les conditions déplorables dans lesquelles certains réfugiés syriens travaillaient en Turquie pour le compte de sous-traitants de grandes marques, parmi lesquelles Zara. Des adultes, mais aussi des enfants, parfois âgés de moins de 10 ans, avaient été recrutés pour à peine plus d'un euro de l'heure.
Inditex, maison-mère de Zara, a assuré dans un communiqué travailler sur une série d'améliorations "des systèmes de gestion et des conditions de travail" dans ses usines chinoises et turques, grâce notamment au programme international SCORE qui oeuvre pour la protection des travailleurs.
Concernant ses 140 ouvriers mis sur le carreau à Istanbul, Inditex affirme à The Independent travailler sur la mise en place d'"un fonds de prévoyance" qui couvrirait "les salaires impayés, les indemnités de préavis, les vacances inutilisées et les indemnités de départ des employés qui travaillaient au moment de la fermeture soudaine de leur usine en juillet 2016. Nous nous sommes engagés à trouver une solution rapide pour tous ceux qui sont touchés". Mais à l'aube de 2018, "rapide" n'est sans doute plus le terme qui conviendrait.