En 2020, la publication de File dans ta chambre ! de Caroline Goldman, dans laquelle cette psychologue pour enfants et adolescents conseillait le "time out" (le fait d'isoler son enfant) comme méthode éducative, avait fait réagir de nombreuses associations et praticiens anti-violences éducatives ordinaires (VEO). Ces derniers jugeaient cette punition humiliante, quand de nombreux·se·s professionnel·le·s de santé la recommandaient.
Le Conseil de l'Europe, avait quant à lui évoqué le "time out" comme une punition positive, dans une plaquette datant de 2008, rappelant qu'il s'agit avant tout d'une "une mise à l'écart temporaire" de l'enfant. Les contours de cette méthode restent assez flous, et il existe autant de définitions qu'il y a d'applications différentes de l'isolement dans les foyers.
Alors que le débat ressurgit après la publication du baromètre des violences éducatives réalisé par l'Ifop pour la Fondation pour l'enfance (qui inclut le "time out" parmi les violences éducatives ordinaires), Christine Barois, pédopsychiatre, nous livre sa vision de cette méthode et ses conseils.
Christine Barois : Certainement pas. Aucune étude ne montre que des enfants ont été traumatisés par le "time out". Il faut que ce soit bien fait effectivement : on ne parle pas d'isolement dans la cave, il ne faut évidemment pas que ce soient des sévices. C'est juste dire : "Apprends à te calmer", "Je t'accompagne dans ton apprentissage de la gestion de tes émotions".
C.B. : Le "time out", c'est une manière de faire confiance à l'enfant, de lui dire : "Moi, je n'en peux plus, tu vas te calmer", quand l'adulte et l'enfant sont débordés. On a besoin de se reprendre et de montrer à l'enfant que ce qui arrive est humain.
Le "time out" signifie littéralement qu'il n'y a plus d'interactions. Ce n'est pas fermer la porte à clé, c'est s'éloigner en lui disant : "Je t'aime toujours mais je ne n'interagis pas avec toi, va te calmer". On peut le prendre dans les bras, l'asseoir sur un tabouret ou une marche d'escalier en lui disant : "Maintenant tu te calmes". Puis se retourner et ne plus répondre aux interactions, s'isoler soi-même.
C.B. : Oui ! Pourquoi l'enfant se met-il en colère ? Parce qu'il n'obtient pas ce qu'il veut, ou qu'il est fatigué... Parfois, il ne sait même pas pourquoi il est en colère, et il geint. C'est à l'adulte de se dire "mon enfant est fatigué, il ne peut pas se gérer là, comment on fait ?". Au bout d'un moment, on sent bien que ça ne va pas être tenable. Et c'est à ce moment-là qu'il faut imposer une séquence de calme, en se disant que l'on reprendra après.
Le "time out" est une injonction à l'enfant. Cela favorise un nouveau comportement, c'est-à-dire sa capacité à pouvoir gérer ses émotions. Le formuler ainsi ("J'ai besoin que tu te calmes") a plusieurs avantages : cela permet de temporiser, de signifier à l'enfant qu'il va se passer quelque chose. Evidemment, on n'a pas recours à la violence, mais si la voix n'est pas suffisante, cela permet de prévenir qu'un acte va arriver [ici l'isolement- ndlr]. Cela permet à l'enfant d'avoir une notion du temps.
C.B. : On lui dit : "Ecoute, je n'en peux plus et toi non plus. Tu as besoin de grandir d'apprendre à te calmer". Surtout, il ne faut pas l'enfermer. On lui dit d'aller au coin, de s'asseoir sur une marche d'escalier, de compte à l'endroit ou compte à l'envers... C'est une manière de faire diversion, d'orienter son esprit sur autre chose.
Ce moment d'accalmie permet aussi à l'adulte de se calmer en même temps, en s'éloignant physiquement. Cela fait partie d'un apprentissage de la vie, c'est aux parents de socialiser l'enfant. On apprend la politesse, mais on apprend aussi à calmer et à gérer ses émotions.
C.B. : Il n'y a pas besoin de trop d'explications, il faut juste dire : "On n'y arrive plus, j'ai besoin que tu ailles te calmer". C'est une manière pour les parents de souffler et de ne pas passer à la violence.
C.B. : Je crois qu'il faut remercier l'enfant de s'être calmé et ouvrir le dialogue, mais pas forcément questionner. Forcément dans l'acte d'éducation, frustrer son enfant, c'est se frustrer soi-même. Ça ne fait pas plaisir parce qu'on est obligé de contraindre un enfant alors qu'on a qu'une envie, c'est de n'être que dans le positif. On n'a pas à se justifier d'avoir donné une punition, sinon c'est sans fin.
Il faut être au clair avec soi-même et avec son éducation : oui, on va frustrer son enfant mais on n'a pas le choix parce que si ce n'est pas nous qui le faisons, la vie le fera beaucoup plus durement.
Le "time out" permet de repositionner chacun dans son émotion. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit d'avoir des émotions, ça veut juste dire qu'on n'a pas le droit d'exploser avec ses émotions.
C.B. Pourquoi pas. Il faut valoriser ce comportement, dire : "J'ai vu que tu étais parti·e te calmer, merci".
C.B. : Il y a la privation. La punition ne favorise pas un nouveau comportement, elle stoppe un comportement qui est désagréable. Quand on veut qu'un comportement s'arrête, on le punit. La punition, encore une fois, doit être posée correctement. Il y a des conditions à une punition : il faut qu'on puisse la tenir. Dire : "Je te prive de télé pendant un mois" c'est ridicule, ça ne tient pas.
C.B. : Se faire obéir sans crier de Barbara Unell et Jerry Wyckoff, L'intelligence émotionnelle de Daniel Goleman ou encore Les ressources insoupçonnées de la colère de Marshall B. Rosenberg, pour les plus grands.