Est-ce là l'une des luttes les plus ignorées de toutes ? En France, le racisme anti-asiatique se perpétue, mais ne semble guère motiver de mobilisations, hormis celles des personnes concernées. Pourtant, les discriminations, les violences et la fétichisation ne manquent pas, loin de là, à l'égard des femmes et des hommes.
Cela, c'est ce que démontre largement le documentaire "Je ne suis pas chinetoque – Histoire du racisme anti-asiatique" de Emilie Tran Nguyen, à rattraper sur la plateforme de France TV fissa. Une enquête parcourue de témoignages et qui rappelle que stéréotypes, clichés et "fétichisation" post-coloniale n'évoluent guère.
La journaliste, au père d'origine vietnamienne, témoigne du racisme qu'elle a subi, mais tend aussi le micro à l'acteur et comique Frédéric Chau, à des militants, à sa propre famille... Utile pour dévoiler une haine qui fait système. Elle raconte : "On m'a traitée de 'bol de riz', 'chinetoque', 'Mulan'. Mon nom c'est Émilie Tran Nguyen, et tous ces mots je les entends depuis mon enfance, parfois encore aujourd'hui"
Un "phénomène" qui ne concerne pas seulement la France. L'on sait que durant la pandémie de Covid, les attaques contre la communauté asiatique se sont multipliées aux Etats-Unis. L'on se souvient à ce titre de la prise de position du célèbre groupe de K-Pop BTS à la Maison Blanche, venu dénoncer ledit racisme. C'était en mai 2022. Et le groupe superpopulaire abordait frontalement "les crimes anti asiatiques" !
Des crimes qui outre-atlantique auraient augmenté, en un an seulement... De 300 %. D'où la nécessité de faire entendre ce fléau. Surtout en France, où, comme nous le rappelait Rokhaya Diallo : "Il n'y a pas que les Noir·es qui sont victimes de racisme". L'année 2021 fut d'ailleurs marquée par une recrudescence des agressions verbales et physiques racistes à la veille du deuxième confinement, incitant à la création d'un hashtag : #JeNeSuisPasUnVirus.
A la journaliste de C à Vous, l'acteur Frédéric Chau explique : "C'est un racisme moins frontal, moins violent, il est plus caché, plus sournois. Ça ronge plus de l'intérieur, comme une bombe à retardement".
"On peut se permettre d'être décomplexé, parce qu'on véhicule des clichés positifs, des gens travailleurs, qui ne font pas de bruit. Plus jeune, je ne voulais absolument pas qu'on m'associe à quelque chose d'asiatique. Quand j'étais petit, je marchais dans la rue, quand je savais que j'allais croiser des Asiatiques, je traversais parce que je ne voulais pas qu'on m'identifie à eux"
Ce racisme-là, certaines personnalités l'épinglent volontiers en France.
Dans nos pages, la chanteuse engagée Thérèse tirait la sonnette d'alarme : "Le racisme anti-asiatique est avéré : ce n'est plus un racisme un peu sournois, sous couvert de moqueries. Ce sont des violences verbales et physiques. Et plus personne ne peut le nier maintenant. Mais il est ignoré depuis toujours et pour plusieurs raisons complexes".
"Le racisme envers les Asiatiques est différent. On a souffert très longtemps des clichés positifs : "Ils sont sages", "Ils sont bien intégrés économiquement", "Ils ne font pas de vagues". Ce sont des clichés qui font du tort !"
"... Et puis les vagues d'immigration asiatiques sont arrivées plus tardivement que les vagues d'immigration arabes ou noires. Du coup, cette communauté a encore moins de représentant·e·s dans les médias ou la culture par exemple. Et de fait, nous sommes moins défendu·e·s".
Des discriminations qui font du mal aux hommes, mais touchent largement les femmes : "il y a le cliché de la femme asiatique hyper docile, qui fait des massages tout doux et reste à la maison pour faire à manger. Et puis il y a le cliché de la femme asiatique qui n'a pas froid aux yeux. On m'appelle régulièrement "Katsuni" (pseudo de l'ancienne actrice porno d'origine asiatique Céline Tran- Ndlr) dans la rue. Ces personnes-là essentialisent, exotisent les personnes asiatiques comme si elles étaient toutes interchangeables !"