C’est un film qui commence in medias res en nous plongeant dans le quotidien de Balli, victime de harcèlement scolaire, au plus près des insultes, et au plus près des coups. Très tôt, le ton est donné.
Deuxième long-métrage redoutable de Guðmundur Arnar Guðmundsson, Les belles créatures prend le pouls de la jeunesse Islandaise tout comme les films d’Alan Clarke s'immergeaient il y a quarante ans en plein coeur de la nouvelle génération britannique, toute aussi esseulée. Chronique sans concessions d’une violence qui fait système, ce film à découvrir le 25 septembre en salles relate l'histoire d’un ado harcelé, et des amis qu’il va finalement côtoyer, dépendants de la même violence destructrice.
Sous ce titre forcément ironique, loin des clichés idylliques associés à l’Islande dans l’inconscient collectif, Les belles créatures nous prend dès sa scène d’ouverture à la gorge pour ne plus jamais nous lâcher. Mais sans que l’impact de ses images soit gratuit : loin s’en faut, même…
On pense au meilleur du cinéma social face à ce récit. Aux films les plus durs de Ken Loach, Mike Leigh, mais aussi, à We need to talk about Kevin de la réalisatrice britannique Lynne Ramsay, une autre évocation de l’horreur ressentie lorsque le poison de l’agressivité s’insinue chez l’adolescent.
Guðmundur Arnar Guðmundsson prend à bras le corps cette violence et l’étudie non pas en tant qu’acte, mais en tant que culture. A la manière d’un héritage, quelque chose que l’on transmet, et dont l’on tente de s’émanciper. Ainsi nos anti héros vont s'échiner à arrêter les “bastons”, comme ils disent, mais sont sans cesse obligés de “répliquer” pour conserver leur réputation de “durs à cuire”.
En nous partageant le point de vue de ceux qui agressent, mais également de ceux qui sont agressés, Les belles créatures interroge à travers cette jeunesse Islandaise le système entier d’où elle éclot. Modèles en faillite, parents absents ou impuissants, quand ils ne sont pas violents eux-mêmes… Et la brutalité physique de masquer une brutalité économique : celle de la précarité subie par nos protagonistes, marginalisés, méprisés. Preuve de cette déshumanisation, l’une des jeunes “terreurs” saisies par la caméra de Guðmundur Arnar Guðmundsson porte le doux sobriquet… De “l’Animal”.
“On le surnomme comme ça car il adore se bastonner”, synthétise l’un des personnages, Addi. Mais impossible malgré cette explication pragmatique de ne pas voir autre chose : un discours sur la façon dont les médias déconsidèrent la jeunesse. Laquelle, nous démontre le cinéaste Islandais, s’avère être confuse, en perte de repères. Pour nous le suggérer, le réalisateur déploie l’une des images les plus fortes d’un film qui pourtant n’en manque pas : celle d’un manuel scolaire qu’un des protagonistes brûle le sourire aux lèvres. Avant, conscient soudain de son acte, de tenter de le récupérer, paniqué…
Manuel scolaire en quête de sauvetage, à l’instar précisément de ses anti-héros juvéniles auxquels Guðmundur Arnar Guðmundsson confère au fil des séquences et des contrechamps une réelle densité émotionnelle. Une leçon de cinéma social, et surtout, de cinéma viscéral.
Les belles créatures, de Guðmundur Arnar Guðmundsson Le 25 Septembre en salles. Avec Birgir Dagur Bjarkason, Áskell Einar Pálmason, Viktor Benóný Benediktsson…