Santé
Elle a créé un e-shop de vêtements adaptés aux femmes atteintes d'endométriose
Publié le 26 mars 2021 à 17:30
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Partant du constat que la mode n'était pas adaptée aux femmes atteintes d'endométriose, Coline Le Boulaire, originaire du Finistère, a créé un e-shop dédié. L'occasion pour elle de sensibiliser à cette maladie invalidante encore trop méconnue.
Coline Le Boulaire, créatrice de la boutique Endocloset Coline Le Boulaire, créatrice de la boutique Endocloset© Victoria Kervarec/VictoriaK Photographie
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L'enfer de Coline Le Boulaire a commencé dès ses premières règles. "De grosses douleurs, on a même cru que c'était l'appendicite". Dès lors, sa vie d'ado sera rythmée par les absences scolaires et les allers-retours aux urgences. "Les douleurs étaient tellement intenses et personne n'arrivait à expliquer ce que c'était." Pour trouver des réponses, elle commence à enquêter seule. Et découvre des informations sur l'endométriose, qui lui mettent la puce à l'oreille. Mais les différents médecins qu'elle consulte l'affirment : il est impossible qu'elle soit atteinte à 17-18 ans. "Sauf que mes recherches précisaient bien que ce n'était pas l'âge qui comptait, mais le fait d'être réglée".

C'est finalement un gynéco aux urgences qui parviendra à mettre un mot sur ses maux au terme de dix ans d'errance médicale : oui, elle est bel et bien atteinte d'endométriose. "Il a fallu faire une coelioscopie pour poser le diagnostic car cela ne se voyait ni sur les IRM ni sur les échographies."


Au fil des années, Coline Le Boulaire a appris à côtoyer cet ennemi intime et tente de l'apprivoiser, non sans appréhension. Car elle le sait : chaque mois, elle va se retrouver clouée par la douleur pendant huit jours. Trois jours très intenses "où je ne sors pas de chez moi", puis des symptômes qui vont decrescendo. Sans compter ces pointes qui lui tordent le ventre pendant l'ovulation. "J'ai aussi une atteinte au niveau urinaire. Ma vie est chamboulée au quotidien."


Pour l'aider à traverser ces cycles éprouvants tant physiquement que moralement, elle s'en remet à sa fidèle bouillotte ("La base des bases") ou à son chat qui vient se poser "là". Après avoir ingurgité pendant des années des quantités astronomiques de médicaments pour se soulager, Coline a décidé de se tourner vers des alternatives plus naturelles comme l'acuponcture, le yoga, la sophrologie. "Mais c'est très personnel", précise la jeune femme de 28 ans. "Il faut trouver ce qui nous convient".


Cette maladie chronique, qui touche une femme sur dix, s'est immiscée à travers toutes les strates de sa vie : intime, sociale ("Les amies peuvent en avoir marre qu'on annule au dernier moment") et bien sûr professionnelle. "Il y a l'absentéisme, le moral qui flanche, des tensions au travail et le stress qui augmente les symptômes". Son rêve ? Que l'accès au télétravail pour les femmes atteintes d'endométriose soit démocratisé. "Même cinq jours par mois, ce serait formidable", soupire-t-elle. "Si on faisait les calculs des nombreuses femmes en arrêt à cause de leur endo... Cela nous permettrait d'être sereines dans notre travail et de ne pas créer de frustrations auprès de l'employeur qui se dirait : 'Tiens, elle est encore absente'".

Coline Le Boulaire, créatrice de l'éshop Endocloset © Victoria Kervarec/ VictoriaK Photographie
"C'est une maladie qui touche à la féminité"

De fait, Coline Le Boulaire s'est rapidement rendu compte que sa maladie impactait son métier d'esthéticienne. Elle a alors entamé une reconversion. C'est à ce moment-là qu'elle a eu l'idée de créer sa boutique en ligne, Endocloset, ouverte en octobre 2020. Un déclic né de son expérience personnelle. Le ventre gonflé cisaillé par les tops cintrés, le moindre élastique qui aiguise les douleurs, les jeans trop serrés... Elle l'a constaté : la mode n'est pas du tout adaptée aux "endogirls", comme elle les appelle affectueusement.

"C'est une maladie qui touche à la féminité : on perd confiance en nous, on se sent moins bien dans notre corps et des vêtements peu adaptés à notre condition appuient là où ça fait mal. Au lieu de pouvoir enfiler une jolie pièce pour se sentir mieux psychologiquement, je sortais avec mon jogging ou une robe hyper ample. J'avais l'impression de ressembler à un sac à patate."

Elle se met donc en quête de vêtements qui aideraient les femmes "à retrouver le goût de s'habiller parce que le moral, ça compte aussi dans cette maladie." La jeune auto-entrepreneuse prospecte auprès des fournisseurs ("Je voulais du 100% français, mais pour certaines pièces, c'est trop compliqué car elles sont très spécifiques"), sélectionne des blouses qui se ceinturent, des robes cache-coeur ou babydoll sans coutures, des jeans à haut taux d'élasthanne. Et surtout, elle teste les pièces sur elle. "Je vérifie au cours de la journée si le vêtement n'entrave pas, s'il ne crée pas de douleur, si je suis à l'aise."

Des retours émouvants


Parmi ses trouvailles, le jean spécial "Endo belly", l'un des best-sellers du site : conçu sur le même principe qu'un jean de grossesse, sans bouton, ni fermeture, pourvu d'une taille haute en jersey qui permet au ventre de s'épanouir librement. "C'est super de ne pas avoir à déboutonner son pantalon quand elles on est au bureau ou en cours. Une cliente m'a même dit que ce jean lui permettait d'y glisser sa bouillotte sur le ventre pour la soulager discrètement."

Depuis la création d'Endocloset, les retours des acheteuses sont enthousiastes. Voire émouvants. "L'une de mes clientes m'a confié que cela faisait 15 ans qu'elle n'avait pas porté de jean. Elle en a pleuré. Ces messages me vont droit au coeur."

Autre motif de satisfaction pour la jeune femme : sa boutique lui permet, à sa petite échelle, de contribuer à la sensibilisation à l'endométriose, cette maladie encore trop méconnue. "Je veux continuer à la faire connaître dès le plus jeune âge. J'aurais aimé être informée plus tôt", appuie-t-elle, soulignant également le manque de formation du personnel soignant sur la question. "Quand on voit le nombre de femmes que ça touche, c'est quand même fou de ne pas s'y pencher un peu plus. Mais bon, c'est peut-être parce que c'est un problème féminin...", ironise-t-elle.

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