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Eric Antoine : "Dans le monde de la magie, les femmes font tout le boulot !"
Publié le 21 mai 2015 à 11:57
Par Marie Chaumière
A la fois illusionniste et humoriste, Eric Antoine a créé un un style de spectacle unique au fil des années. Après une tournée dans toute la France avec "Magic delirium", son dernier show, il se produit du 21 au 23 mai au Palais des Sports, à Paris. Pour Terrafemina, il revient sur sa démarche artistique, mais évoque également la place des femmes dans le monde de la magie. Interview d'un optimiste.
Eric Antoine au Palais des Sports du 21 au 23 mai. Eric Antoine au Palais des Sports du 21 au 23 mai.© Sipa, IBO/SIPA
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Terrafemina : D'où vous est venue l'idée de mêler magie et humour ?

Eric Antoine : En fait, ce mélange était complètement naturel pour moi. D'abord, je suis un homme de théâtre, et l'humour est mon mode d'expression depuis mon plus jeune âge. C'est même de l'ordre de la transmission familiale, à la maison on a toujours utilisé l'humour pour dédramatiser le tragique de la vie en se moquant les uns des autres. Quant à la magie, je m'y suis intéressé à la suite d'une rencontre avec un magicien.

Au fil des années, j'ai trouvé progressivement cette écriture qui se situe au croisement de mes amours : l'humour, la magie, le théâtre, la philosophie, la psychologie, la danse, la musique...

Et j'aimais bien l'idée de faire une sorte de "manipulation génétique", en mélangeant différents ADN de spectacles. C'est comme une recette de cuisine, on ajoute un peu de sucré pour faire ressortir le salé, etc... L'humour fait ressortir la magie quand il est utilisé au bon moment et à bon escient, et réciproquement.


T : Pourquoi avoir voulu faire un show à l'américaine après vos premiers spectacles plus "intimistes" ?

E.A. : C'est vrai que mes précédents spectacles n'étaient pas aussi démesurés. Mon premier spectacle, c'était une ambiance café-théâtre, on était dans le verbe, avec juste quelques accessoires. Le deuxième était encore plus théâtral, avec un travail sur l'histoire et la narration.

Et là, j'avais envie de faire les choses en grand, en m'inspirant des shows américains, pour créer une sorte de Las Vegas à la française, plus rock'n'roll, plus trash, qui part en vrille... Et c'est un désir tout à fait conscient de changer d'univers et de dimension à chaque fois et de m'intéresser à "la grande illusion", qui n'a pas été traitée avec humour jusqu'à présent. Il y a eu des magiciens comiques, mais ils exerçaient un autre style de magie, le close-up, la magie de salon, etc... Mais jamais la grande illusion n'a été mélangée à l'humour, et surtout pas en France. J'essaie d'être unique, précurseur, singulier, parce que, pour moi, c'est ça, être un artiste : c'est proposer quelque chose de nouveau.


T : Votre femme est très présente dans vos spectacles, mais elle n'est pas une assistante comme les autres. Comment vous avez eu l'idée de créer ce personnage qui se rebelle contre l'autorité du magicien ?

E.A. : Déjà, au départ, il y a une colère. Mon épouse et moi sommes toujours éberlués devant la manière dont sont traitées les femmes dans le milieu de la magie, alors qu'elles font un travail bien plus technique que le magicien. Quand une femme disparaît et apparaît de l'autre côté de la salle, ce n'est pas le magicien planté au milieu de la scène qui bosse, c'est elle qui fait tout le travail ! Ce statut de faire-valoir auquel sont réduites les femmes nous horrifie donc tous les deux.

C'est à partir de ce sentiment que nous avons créé ce personnage de l'assistante, qui est convaincue d'être invisible, mais que tout le monde voit et qui perturbe perpétuellement le spectacle. Et, cette fois, ma femme a eu l'idée d'un nouveau personnage féminin et féministe, qui est une assistante de magicien, correspondant à tous les clichés du métier, c'est-à-dire vêtue d'une tenue à paillettes, avec un décolleté plongeant, etc... Sauf qu'elle a créé une association baptisée "Assistante mais pas soumise", qui se bat pour prouver que les assistantes font en fait tout le travail sur scène et que les magiciens sont des buses et des nazes !

Il y a donc tout un numéro lors duquel elle montre comment le tour de magie fonctionne et à quel point son rôle est essentiel. C'est là une manifestation, sur scène, de notre désir à tous les deux de prendre nos distance par rapport à la magie traditionnelle et de casser la superbe du magicien qui se la pète et qui essaie de faire croire qu'il a des vrais pouvoirs.


T : Vous considérez-vous comme féministe ?

E.A. : Je ne suis pas un militant féministe au quotidien, mais mon travail associatif et mes engagements politiques expriment en effet une vision féministe. J'ai grandi avec des femmes, et elles ont toujours été mes inspirations, mes exemples. Depuis le début, il n'y a pour moi par définition que le modèle féminin qui compte. Il n'y a pas de différence entre un homme et une femme, en tout cas en termes de pensée, de dialogue, de réflexion. C'est comme pour les enfants. Les magiciens s'adressent parfois aux enfants comme à des couillons. Et ça m'horripile terriblement, parce qu'un enfant a peut-être un savoir et une culture moindre qu'un adulte, mais il est dans une réflexion, dans un monde qui lui est propre. Et qui mérite autant de respect que le monde de l'adulte. Cela, je tente de l'intégrer dans mes textes et mes numéros.

J'essaie de mettre des références qui peuvent interpeller aussi bien les petits que les grands : il y a dans mes numéros des auteurs qui vont parler aux quinquas, des allusions à des séries télévisées que j'ai connu - en tant que vieux trentenaire bientôt quadra - et des références au monde de l'enfance d'aujourd'hui, que je capte à travers mes propres enfants. Je veux parler à chaque génération dans mes spectacles pour que personne ne soit laissé de côté.


T : Expliquez-nous ce que vous voulez dire quand vous vous dites que "la crise est une illusion" ?

E. A. : Je vais vous répondre un peu à côté en vous parlant de moi : en ce moment je rencontre au quotidien d'autres êtres qui sont plus intelligents, plus cultivés, plus vifs que moi. cela ne m'empêche pas de considérer que ma vie est une vraie réussite sur un plan amoureux, professionnel, familial... Et je crois que c'est dû à la confiance, peut-être naïve, que "c'est possible". Tout peut arriver quand on y croit. Il y a une phrase de Mark Twain que j'adore, qui dit : "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait."

Il ne faut pas être trop intelligent, car dès qu'on est dans l'analyse et la réflexion à outrance, on cesse de vivre. C'est ce mélange de naïveté, d'envie, de désir de vivre, d'optimisme, qui fait que les choses changent.

C'est pour cela que je dis que la crise est une illusion, parce que c'est une question de point de vue. Bien entendu, il y a la réalité mathématique qui montre que le pays va mal, mais en dehors de cela, il y aussi une réalité psychologique que chacun peut faire évoluer. Et cette réalité qui prend sa source dans l'émotion et la spiritualité est aussi importante que la réalité mathématique. Et elle a une vraie influence. L'important, c'est d'exciter son désir de magie, de charmer son propre esprit pour qu'il s'ouvre aux possibilités de la vie.

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