On est parties d'un constat : beaucoup refusent de se déclarer féministes, alors que quand on discute au-delà du mot, leurs valeurs coïncident avec celles du mouvement. Comme disait Roxane Gay, autrice de Bad Feminist et Hunger, en observant Twitter notamment : "Internet est plein de gens hostiles aux idées véhiculées par le féminisme. Certain·es croient qu'on veut les déposséder de quelque chose, ce qui n'est absolument pas le cas. Ce sont des idées reçues très difficiles à dissiper. C'est très frustrant".
On a donc voulu faire le point sur les clichés qui collent à la peau du féminisme, pour expliquer son sens et pourquoi il est important de s'approprier le terme. Et puis parce que devenir féministe est souvent un cheminement personnel, voici quelques éléments de réponses et précisions qui pourront vous aider durant le vôtre.
La définition du féminisme, d'après le CNRTL, est la suivante : "Mouvement social qui a pour objet l'émancipation de la femme, l'extension de ses droits en vue d'égaliser son statut avec celui de l'homme, en particulier dans le domaine juridique, politique, économique".
Par conséquent, le féminisme est de vouloir obtenir les mêmes droits que les hommes, l'accès aux mêmes opportunités. Pas prendre le pouvoir sur eux, ni les dominer. C'est aussi se battre contre le patriarcat, pas contre les mecs.
Les hommes féministes sont nombreux et leur soutien est essentiel au mouvement. Le féminisme n'est en aucun cas l'envie de se dresser contre les hommes, bien au contraire. C'est d'être égales et égaux au sein de la société.
De plus, le patriarcat est tout aussi nocif pour les femmes que pour les hommes. Si l'homme dispose de privilèges, il écope aussi d'une pression sociale qui vise son comportement, son statut, son salaire, ou encore la démonstration de sa virilité. Et c'est aussi ce que le féminisme veut combattre : ces attentes de ce qui devrait définir un homme et une femme au sein d'une société patriarcale.
Le féminisme étant un mouvement, il existe plusieurs courants en son sein, au même titre que dans un mouvement politique. Ainsi, on peut se revendiquer féministe sans être à 100 % d'accord avec les positions de toutes et tous les féministes, comme on peut se revendiquer de gauche ou de droite et ne pas être d'accord avec toutes les propositions d'élu·es.
Par extrême, les réticent·es au mouvement veulent souvent parler de la "violence" des Femen ou de "l'agressivité" de militantes envers les hommes, qui restent bien souvent un fantasme. S'il est nécessaire de rappeler, comme le précise Sylvie Chaperon, historienne du féminisme à l'université de Toulouse à L'Obs, que "le féminisme est le mouvement d'émancipation du XXe siècle le moins sanglant", il reste également important d'expliquer qu'en s'appropriant un terme, on lui donne les valeurs qu'on prône soi-même, le sens qui nous importe.
Le féminisme a certes des extrêmes qui nous séduisent ou non, mais il a surtout une seule définition : vouloir que les hommes et les femmes soient égaux et égales en droits et en fait.
Cela signifie donc se battre pour que toutes les femmes aient le choix de faire ce qu'elles veulent. Avoir une carrière ou être femme au foyer, avoir 10 enfants ou aucun, se raser les aisselles ou non, adorer les mini-jupes et les vêtements amples, être religieuse ou athée. Ne pas dicter leur conduite, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Simplement se lever pour soutenir leurs décisions.
Le terme d'égalité ne veut pas dire effacer les différences. C'est au contraire, vouloir que ces différences de sexe, d'origine, de pensée, ne soient pas un frein à l'égalité en droits et en fait. Ce n'est pas prôner une société où tout le monde serait pareil, mais tout à fait l'inverse. Célébrer ces différences sans devoir être discriminé·es en termes d'opportunités, de lois, de jugement, de traitement.
Dans le même article de L'Obs, Sylvie Chaperon, historienne du féminisme, explique que "Etre féministe, c'est reconnaître la domination masculine. Lorsque l'on est une femme, cela revient à reconnaître que l'on est dominée. Ce n'est pas un constat valorisant. Etre une femme et ne pas être féministe, c'est finalement se protéger en se convainquant qu'il n'y a pas de problème."
Il est donc compréhensible d'avoir du mal avec le terme. De plus, dans un monde parfait, nous n'aurions pas besoin de féminisme puisque les inégalités basées sur le sexe seraient inexistantes, et nous pourrions donc être humanistes, plutôt que féministes.
Comme avec la parité qui a pour but d'amener à la véritable égalité des chances dans le monde du travail, de l'éducation ou de la représentation politique et médiatique, le féminisme, en ouvrant la discussion de la place des femmes dans la société et en se battant contre les violences et les inégalités faites aux femmes, a pour but d'éradiquer ces injustices au point que le mouvement ne sera plus nécessaire.
Malheureusement, et comme le déplorait Simone de Beauvoir, "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."
On entend souvent que le féminisme va trop loin, qu'on "ne peut plus rien dire" ou qu'il s'attaque trop aux hommes. C'est vrai que pour rééquilibrer une société où l'homme domine, comme la société patriarcale dans laquelle nous vivons, il faut changer les comportements ainsi que l'éducation des plus jeunes, et s'attaquer aux actes sexistes que certain·es pratiquent parfois sans s'en rendre compte (parfois).
Une fois encore, le féminisme ne combat pas les hommes, mais le patriarcat, le système de société qui nous entoure et qui selon le Larousse, se définit de la sorte : "Forme d'organisation sociale dans laquelle l'homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme."
Le mansplaining - une situation où un homme explique à une femme quelque chose qu'elle sait déjà, sur un ton généralement paternaliste ou condescendant -, l'objectification du corps des femmes, la présence des clichés dans les publicités (liste non-exhaustive, encore) : ces situations nourrissent et créent des comportements sexistes nocifs pour la femme, qu'il est important de dénoncer et d'arrêter d'employer. Même si certain·es considèrent que "cela va trop loin".
Être contre le sexisme, qui se définit par une attitude de discrimination fondée sur le sexe (féminin dans la majeure partie des cas), est l'un des piliers du féminisme. Se révolter contre le sexisme, c'est ne pas supporter la différence de traitement, le rabaissement, la condescendance que l'on peut avoir à l'égard des femmes. C'est donc vouloir qu'elles soient traitées pareil que les hommes. Donc vouloir l'égalité. Donc être féministe. C'est aussi simple que ça.
Si, justement. Comme on l'expliquait plus haut, être féministe c'est vouloir que toutes les femmes aient le choix de faire ce qu'elles veulent, sans subir de jugement ni de pression sociale, dans un sens comme dans l'autre. S'envoyer en l'air le premier soir, se maquiller la bouche, les yeux, les joues et porter une robe moulante avec talons hauts, c'est féministe si on l'a choisi.
Le féminisme n'est pas un guide de conduite qui demande aux femmes de se comporter d'une certaine façon : il s'agit d'un mouvement qui demande à la société de changer son propre comportement discriminant par rapport aux femmes.
Si c'est votre cas et que vous ne ressentez ou n'avez jamais ressenti de sexisme ou d'injustices liées à votre genre, alors tant mieux, c'est en effet comme ça que toutes les femmes devraient vivre. Seulement, ce n'est malheureusement pas le cas.
En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint, et tous les deux jours depuis 2019, selon L'Express. 76 % des Françaises ont déjà été suivies dans la rue, et 65 % ont subi le harcèlement de rue avant 15 ans. Les femmes racisées sont sous-représentées comparées aux femmes blanches et aux hommes, et la misogynoir (la haine des femmes noires) est omniprésente et pourtant pratiquement tue. 38 % des personnes sans domicile fixe sont des femmes, d'après Libération, pour lesquelles la rue est encore plus dure à cause des violences et agressions sexuelles répétées, du manque de foyers non-mixtes et d'hygiène pendant leurs règles.
Se dire féministe ne viendra pas résoudre ces problèmes urgents d'un coup de baguette magique, mais cela permettra d'apporter un soutien nécessaire à une cause capitale, de se battre pour attirer l'attention sur les discriminations et les violences faites aux femmes, et de se sentir concerné·e par des maux qui arrivent en dehors de son cercle proche.