Quand on pense aux Amazones, on s'imagine des femmes guerrières à dos de cheval qui tuent les hommes après s'en être servi comme géniteurs afin d'assurer leur propre descendance. On ne connaît pas vraiment leur histoire (si ce n'est la cruauté mythologique que les auteurs de l'époque leur ont prêtée) et pour cause, elles sont souvent reléguées à des rôles secondaires dans les grandes épopées grecques menées par des aventuriers.
Elles ne sont pas actrices de leur conte, elles viennent en aide à des héros masculins en leur prodiguant relations sexuelles (le consentement n'étant pas évoqué dans les écrits) et conseils.
Pire, on les dépeint même comme le peuple que lesdits héros vainquent tour à tour, et dont ils enlèvent les reines pour les ramener chez eux en guise de trophée - comme Thésée avec Antiope ou Alexandre le Grand avec Thalestris - et finissent par réduire à un rôle domestique, le seul que leur société antique estimait approprié pour une femme.
Plus récemment, on retrouvait les Amazones dans un autre scénario fictif : celui de Wonder Woman, signé Marvel Comics. Cette fois-ci, Diana, la princesse des Amazones qui décide de venir sauver le monde pendant la Première guerre mondiale, est bien au centre de l'histoire. Elle est forte, invincible et combative.
Mais à aucun moment explique-t-on que son peuple n'est pas seulement le fruit d'un fantasme masculin, ni que sa légende résulte de l'envie d'invisibiliser une société matriarcale bien réelle qui déplaisait aux historiens de l'époque.
Car les Amazones auraient bel et bien existé. Seule différence : elles étaient en armure de guerrières et non à moitié nues lorsqu'elles se livraient au combat, au contraire de l'image divulguée à travers les millénaires par les mythes helléniques, puis par la lecture contemporaine.
Elle aussi a participé à l'invisibilisation de cette tribu, se basant à tort sur l'avis que l'on se faisait des femmes de l'époque, souvent à cause des opinions du moment sur les genres et ce qui les définit. En dehors des écrits grecques, des historiens antiques avaient d'ailleurs déjà relaté d'autres faits. C'est le cas d'Hirodote, historien des années -420 avant JC.
Selon lui, elles seraient en réalité des guerrières scythes, un peuple nomade qui s'est établi en Cappadoce, une région turque, et dont beaucoup d'hommes seraient morts en affrontant les Égyptiens.
Les femmes auraient donc pris les armes - et les armures - au même titre que leurs partenaires masculins, instaurant un système égalitaire inédit jusqu'alors. Le mot "amazone" se traduirait même par "ceux qui ne mangent pas de pain", qui serait donc le propre des groupes itinérants à l'instar des scythes, et "ceux qui vivent ensemble", qui déterminerait cette notion d'égalité.
Plus tard, alors que leurs corps ont été retrouvés par des archéologues, les fameuses armures ont fait dire aux scientifiques qu'il s'agissait uniquement de squelettes d'hommes, une information invalidée par la suite grâce à davantage de recherches et aux progrès de la science.
"Au lieu de considérer les mythes amazoniens en termes de violence masculine contre les femmes, les preuves littéraires, artistiques et archéologiques anciennes révèlent que des sociétés nomades égalitaires existaient réellement dans les steppes et que ce mode de vie suscitait la crainte et la fascination des Grecs", explique Adrienne Mayor, experte de l'université de Stamford, à Broadly.
Elle rajoute que désormais, "On ne peut plus prétendre que les Amazones n'étaient rien d'autre que des figures fantastiques à tuer par des héros mythiques grecs".