La thématique des violences sexistes et sexuelles commence à prendre une place imposante et revendicatrice dans notre société. Les femmes comptent (enfin !) et ne veulent plus s'en laisser conter. On ne peut que s'en féliciter. Autant, les siècles passés se sont bien appliqué à jeter une cape d'invisibilité sur tout ce qui touche ces violences "faites" aux femmes, autant ces dernières ont réussi à retourner cette cape pour briser héroïquement ce secret de polichinelle.
Muriel Robin a récemment pris l'initiative de poser une date, des mots et des chiffres sur les féminicides. La mobilisation NousToutes invite à déferler massivement dans nos rues le 24 novembre. Bref, les femmes visibilisent non seulement les violences qui nous sont faites, mais aussi leurs auteurs. Ainsi, pour nous, il n'est plus question de parler de "violences faites aux femmes", mais bien des violences masculines et des violences patriarcales.
Face à notre mobilisation, le pouvoir ne peut plus faire l'autruche. Ce qui ne veut pas dire qu'il tient forcément toutes ses promesses ! Nous avons gagné, par exemple, l'allongement des délais de prescription pour les violences sexuelles sur les mineur·es, mais perdu sur la mise en place d'un âge de consentement minimum, finalement abandonnée.
Car le gouvernement est pour le moins schizophrène. Notre cause a beau être la "Grande Cause Nationale du quinquennat", le budget du secrétariat d'État de l'égalité femmes-hommes a été rogné dès la première année, et le budget 2019 n'annonce rien de bon non plus, puisque le secrétariat devra accuser le coup d'une grosse diminution de postes. En parallèle, Marlène Schiappa vient d'annoncer des mesures que nous approuvons pour certaines tandis que pour nous, les autres sont encore trop timides face aux enjeux.
Quels sont-ils, ces enjeux ? En France, tous les 3 jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex. On compte 170 viols ou tentatives de viol par jour, selon l'Enquête Virage 2016. En moyenne, 223 000 femmes sont victimes de violences au sein du couple par an selon l'INSEE. 93 000 femmes sont victimes de viol ou d'une tentative de viol, selon les chiffres de l'Observatoire national des violences faites aux femmes.
Toutes ces violences sont la fin de chaîne d'un continuum d'environnement sexiste exacerbé et quotidien, allant des blagues aux remarques misogynes, des publicités nous réduisant à des objets consommables au harcèlement de rue, du harcèlement sexuel sur le lieu de travail aux violences conjugales, de la sphère publique à la sphère privée. Elles font système, ce qui les rend très dures à abolir.
Les effronté-es réclament depuis longtemps de grandes campagnes nationales de sensibilisation contre le sexisme et les violences, à la télévision, à la radio, sur nos affichages publics et sur internet, à l'initiative de l'État. Nous voyons donc d'un très bon oeil cette mesure qui vient d'être annoncée, mais attendons d'en constater l'ampleur.
Pour le reste de ce qui concerne la prévention, le courage politique doit l'emporter sur les fake news de la fashosphère et autres délires sur la "théorie du genre". Nous ne pouvons faire l'économie d'investir l'école avec des programmes de sensibilisation et d'éducation contre le sexisme, de la maternelle au supérieur. Nous réclamons aussi une loi contre le sexisme pour nous affranchir enfin de la publicité et des affichages publics sexistes.
Dernier point, l'amélioration de l'accès à l'information et au droit, en centralisant dans un document unique toutes les lois, règlements, jurisprudences ou protocoles nationaux. Combien de femmes savent, par exemple, que la règle doit être celle de l'éviction du conjoint violent du domicile ? Dans la réalité, ce sont bien souvent les victimes qui sont contraintes de fuir le domicile.
Pour ce qui est des moyens, les effronté-es réclament l'augmentation des accueils de jour, lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation, des centres d'hébergement spécialisés et spécifiques sécurisés pour les femmes et leurs enfants, avec du personnel spécialisé et pluriprofessionnel, des centres d'accueil, d'aide et de soins spécifiques pour les femmes victimes de viols ou d'agressions sexuelles, ainsi que le développement du "téléphone grave danger" et des ordonnances de protection.
Car contrairement à ce qui est affirmé par Mme Schiappa, nous manquons encore cruellement de structures sur tout le territoire pour accueillir les victimes.C'est très bien de créer une plateforme de localisation des hébergements d'urgence pour "mettre à l'abri plus efficacement et plus rapidement les femmes en danger, y compris avec leurs enfants", c'est encore mieux d'en avoir en nombre suffisant.
Pour ce qui est de leur précarité, les femmes étant parmi les plus pauvres travailleur·es en France, nous exigeons le remboursement à 100% de tous les soins prodigués par un·e médecin, psychologue ou psychothérapeute. Car non seulement cette prise en charge est légitime pour éviter la double peine de la galère financière qui s'ajouterait aux violences subies, mais c'est aussi un investissement vertueux pour aider les victimes à ne pas tomber dans une interminable spirale de souffrance et de précarisation.
Sur le plan juridique, nous nous élevons toujours contre toute médiation pénale et familiale en cas de violences conjugales, ce qui consiste en gros à essayer de rabibocher le conjoint violent et celle qui porte plainte contre lui. La France y est d'ailleurs obligée, même si elle le bafoue régulièrement, puisque cela figure dans les mesures dictées par la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe, que notre pays a ratifié.
Enfin, pour ce qui est des autres annonces, nous ne sommes pas contre l'idée d'une plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles pour "faciliter les plaintes", mais n'oublions pas que la plus grande difficulté est celle de l'accueil des victimes dans les commissariats et les gendarmeries. Il s'agit donc très vite de former l'ensemble des professionnel·les, policier·es, mais aussi magistrat·es, inspecteurs·trices du travail, personnel·les de santé, médecins du travail, infirmier·es scolaires, etc.
Les effronté-es réclamaient depuis longtemps le renforcement des moyens de l'Observatoire national des violences faites aux femmes, de la FNSF et des CIDFF. Promesse annoncée, espérons qu'elle soit tenue ! La PMA est là pour nous rappeler que les promesses n'engagent que celles et ceux auprès de qui on les exige assez fort.
En revanche, nous réclamions, en novembre dernier, un milliard d'euros pour pérenniser les moyens des associations et recruter des référent·es violences dans les permanences de toutes les gendarmeries et commissariats, et là, on est encore loin du compte.
Les efFRONTé-e-s